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Mutation d’office dans l’intérêt du service et sanction disciplinaire déguisée

Une nouvelle victoire de MDMH AVOCATS : le tribunal administratif de BESANCON annule, par deux jugements du 1er décembre 2022, les mesures iniques de MOIS en métropole imposées à deux gendarmes néo-calédoniens et ordonne leur réintégration

Les militaires sont appelés à servir en tout temps et en tout lieu

En effet, aux termes de l’article L 4121-5 du Code de la défense alinéa 1er :

« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. »

L’alinéa 2 du même article ajoute que :

« Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés :

1° De leur conjoint ;

2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu' ils produisent la preuve qu' ils se soumettent à l' obligation d' imposition commune prévue par le code général des impôts ; (…) »

Sur le fondement de cette disposition, les militaires et gendarmes peuvent faire l’objet de mutations concertées mais également de décisions de mutations ou déplacements d’office.

Il va de soi que ces décisions doivent respecter le principe de légalité et les règles et garanties qui les entourent.

Mais au-delà de cet aspect formel, elles doivent être conformes à l’intérêt du service et surtout ne pas constituer des mesures de sanction déguisée.

Le déplacement d’office ou MOIS ne peut avoir pour fondement la volonté de l’administration de sanctionner l’agent

C’est précisément ce que viennent rappeler les deux décisions rendues par le tribunal administratif de BESANCON le 1er décembre 2022 (N°2100176 et N° 2100176)

En effet, les juges administratifs bisontins rappellent d’abord le principe selon lequel :

« 3. Lorsqu’une administration prend à l’encontre d’un agent une décision motivée par des agissements fautifs qui lui sont imputables, alors cette décision revêt un caractère disciplinaire. »

Puis reprenant les faits de l’espèce, les juges administratifs retiennent la motivation suivante :

"4.En l’espèce, la décision attaquée est motivée par l’atteinte à « l’honneur et à la dignité de la fonction de gendarme » que constitue la création et la gestion « d’une société à responsabilité limitée à vocation commerciale dont l’objet social était la vente de produits de la mer à Koné », sans autorisation de cumul d’activités. La décision a également pour motifs les conséquences de ces agissements sur le fonctionnement du service et, notamment, suite à l’ouverture d’une enquête préliminaire et à la perte de confiance du procureur de la République.

Il s’ensuit que la décision attaquée, dans les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, doit être regardée comme ayant été prononcée moins pour préserver le bon fonctionnement du service que pour sanctionner les agissements fautifs imputables à Mme ……………. et revêt dès lors un caractère disciplinaire. Dans ces conditions, la légalité de la décision attaquée était subordonnée à l’application des dispositions précitées des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 du code de la défense. Or, et dès lors qu’il n’est pas contesté que la procédure préalable et les garanties accordées aux militaires faisant l’objet d’une sanction disciplinaire n’ont pas été respectées et, qu’en tout état de cause, la sanction retenue n’est pas au nombre de celles qui peuvent être prononcées à l’encontre d’un militaire, le ministre de l’intérieur a entaché sa décision d’un détournement de procédure. »

Il sera rappelé à toutes fins que la gendarme concernée a fait l’objet d’une décision de relaxe définitive du tribunal correctionnel saisi sur dénonciation article 40 et que son conjoint, également gendarme, simplement auditionné comme mis en cause ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

Ainsi, les juges administratifs viennent analyser l’intention poursuivie par l’administration qui révélait sans nul doute une volonté de sanctionner les agents.

La réintégration ordonnée par le tribunal

Conformément à la règle de droit, en principe, l’annulation de la décision ayant illégalement muté l’agent contraint l’administration et en l’occurrence Monsieur le Ministre de l’Intérieur et ses services à replacer le militaire concerné dans l’emploi qu’il occupait précédemment.

L’administration doit également reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation.

La jurisprudence de principe et notamment un arrêt du Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 01/06/2018, 405532 - Légifrance (legifrance.gouv.fr) vient ajouter :

« (…) qu'il ne peut être dérogé à cette obligation que dans les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressé ait renoncé aux droits qu'il tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'il n'ait plus la qualité d'agent public ».

C’est très exactement que vient de décider le tribunal administratif de BESANCON en faisant droit à la mesure d’injonction sollicitée par MDMH AVOCATS et ordonnant :

"Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer de réintégrer Mme ………. dans l’emploi qu’elle occupait avant l’exécution de la décision annulée, sous les réserves exposées au point 6, et de reconstituer sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement."

précision apportée que les limites exposées au point 6 sont les suivantes :

"6. Le présent jugement implique de replacer l’intéressée dans l’emploi qu’elle occupait précédemment à sa mutation et de reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour la placer dans une position régulière dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. Il ne peut être dérogé à cette obligation que dans les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l’intéressée ait renoncé aux droits qu’elle tient de l’annulation prononcée par le juge ou qu’elle n’ait plus la qualité d’agent public."

MDMH AVOCATS se félicite et se satisfait pour ses clients de ces deux jugements qui viennent reconnaitre l’illégalité des mesures de mutation d’office ainsi qu’ils n’ont eu de cesse de le faire valoir, notamment devant la Commission des recours des militaires.

MDMH AVOCATS regrette d’ailleurs que Monsieur le Ministre de l’Intérieur, saisi des recours administratifs préalables et obligatoires formés par les deux gendarmes devant la CRM n’ait pas saisi l’opportunité de mettre fin plus tôt à l’illégalité criante des décisions querellées.

MDMH AVOCATS salue le courage et la persévérance de ses deux clients.

 

Me Elodie MAUMONT, avocate spécialisée en droit pénal militaire et MDMH AVOCATS, cabinet d’avocats doté d’une expertise reconnue en droit des militaires, des personnels de défense et de sécurité intérieure, conseillent, assistent et représentent les militaires et gendarmes dans la contestation et leurs recours contre les mesures de mutations d’office (MOIS, MIS) ou déplacements d’office dont ils font l’objet devant la Commission de recours des militaires et les juridictions administratives, y compris en référé si une telle procédure apparait pertinente et opportune et en suivant s’agissant des suites de l’annulation prononcée et de ses conséquences (réintégration, reconstitution, procédure indemnitaire …)

MDMH Avocats peut vous aider et vous accompagner. N’hésitez pas à nous contacter.

Pour aller plus loin sur le sujet, retrouvez les articles de notre blog et notamment :

° enquêtes de commandement et d’inspection : l’administration doit communiquer les procès-verbaux des personnes entendues : en cliquant ici

° Mutation d’office : histoire d’un référé devant le tribunal administratif de Melun : en cliquant ici

° Mutation et déménagement des militaires et gendarmes en cliquant ici

Et notre page dédiée

° droit militaire, carrière du militaire en cliquant ici

© MDMH – Publié le 9 décembre 2022

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