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Juridiction pénale de droit commun, gendarmes et police judiciaire

Lorsque l'on assiste et l'on défend les militaires et les gendarmes, il est des questions réflexes que l'on acquiert. Il en est ainsi de la compétence des juridictions qui auront à les juger et des règles spécifiques qui leur seront appliquées.

Nous avons eu ainsi l'occasion de consacrer plusieurs articles de notre blog aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (JDCS) et de publier une infographie permettant d'appréhender la répartition des compétences s'agissant des infractions commises :

  • dans ou hors l'exercice du service,
  • hors ou sur le territoire,
  • selon le corps d'appartenance du militaire mis en cause (gendarmerie ou autres corps d'armée).

Par deux arrêts de rejet du 10 mai 2023 publiés au bulletin (22-86.322 et  22-86.323) dans une affaire où MDMH AVOCATS défend la gendarme victime, partie civile se plaignant des conditions dans lesquelles elle a été entendue en qualité de témoin par ses 2 collègues enquêteurs et alors qu'elle dénonçait des violences commises à l'encontre d'un contrevenant interpellé,  la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle le critère de répartition des compétences juridictionnelles s'agissant des gendarmes. Focus 

Subornation de témoin et violences à l'occasion d'une audition

L'affaire ayant donné lieu aux deux décisions précitées est ainsi résumée par la chambre criminelle de la Cour de cassation :

"Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 2 février 2016, Mme [V] [S], gendarme, a procédé avec plusieurs de ses collègues à une opération de police routière, lors de laquelle M. [P] [N] a été interpellé.

3. Le lendemain, Mme [S] a rédigé un compte rendu à sa hiérarchie dans lequel elle a mentionné que plusieurs de ses collègues avaient commis des violences à l'encontre de M. [N].

4. Ce dernier a déposé plainte et Mme [S] a été entendue, le 18 mars 2016, par MM. [G] [H] et [Y] [B] de la section de recherches de [Localité 1], saisie par le procureur de la République.

5. Mme [S] a procédé à l'enregistrement de son audition et de l'entretien qui a précédé cette dernière.

6. Le 4 octobre 2018, Mme [S] a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs rappelés ci-dessus.

7. Par réquisitoire introductif du 8 janvier 2019, le procureur de la République a requis qu'il soit informé contre MM. [B] et [H] pour des faits de subornation de témoin et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique.

8. M. [H] a été mis en examen de ces chefs le 17 novembre 2021.

9. Par requête du 20 mai 2022, M. [H] a sollicité l'annulation de la procédure en raison de l'absence au dossier de l'avis prévu à l'article 698-1 du code de procédure pénale."

La demande d'avis de l'article 698-1 du CPP ...

Ainsi, les deux enquêteurs mis en cause et en examen par le juge d'instruction, saisissaient la Chambre de l'Instruction près la Cour d'appel de TOULOUSE d'une demande d'annulation de pièces de la procédure au visa de l'article 698-1 du Code de procédure pénale.

En effet, il convient de rappeler que l'article 698-1 du Code de procédure pénale relatif à la demande d'avis à formuler auprès du Ministre des armées énonce :

"Sans préjudice de l'application de l'article 36, l'action publique est mise en mouvement par le procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux frais portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. A défaut de cette dénonciation, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. Hormis le cas d'urgence, cet avis est donné dans le délai d'un mois. L'avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure.

La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence.

L'autorité militaire visée au premier alinéa du présent article est habilitée par arrêté du ministre chargé de la défense."

Insatisfaits du rejet de leurs demandes, la chambre de l'instruction toulousaine ayant considéré qu'une telle demande d'avis ne devait pas figurer au dossier de la procédure, ils formaient alors pourvoi devant la Cour de cassation.

Au soutien de leurs pourvois, les deux mis en examen faisaient notamment valoir que :

"(...) la règle spécifique de procédure édictée par l'article 698-1 du code de procédure pénale, qui est un préalable impératif à la mise en mouvement de l'action publique, constitue une formalité substantielle qui s'applique quelle que soit la juridiction – spécialisée en matière militaire ou de droit commun – appelée à connaître des poursuites, dès l'instant que celles-ci visent un militaire en exercice, la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 111-4 du code pénal et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (...)"

Ne concerne pas les contentieux relevant des juridictions de droit commun

Par une motivation particulièrement pédagogique et claire, la Chambre criminelle vient rappeler le sens et la portée de la demande d'avis de l'article 698-1 du code de procédure pénale.

Ainsi, la haute juridiction rappelle :

"11. Il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 et de la décision du Conseil constitutionnel du 24 avril 2015 (Cons. const., 24 avril 2015, décision n° 2015-461 QPC) que la procédure particulière de poursuite, prévue à l'article 698-1 du code de procédure pénale, des infractions mentionnées à l'article 697-1 dudit code relevant de la compétence des juridictions à compétence militaire visées à l'article 697 de ce même code, a pour objet de s'assurer que les spécificités de la condition militaire et des opérations militaires soient portées en temps utile à la connaissance de l'autorité de poursuite.

12. L'obligation de recueillir l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, prévu à l'article 698-1 précité, n'est donc applicable, ce que confirme l'organisation du chapitre premier du titre onzième du livre quatrième du code de procédure pénale, que lorsque ces juridictions sont compétentes.

13. Tel n'est pas le cas, en application de l'article 697-1, alinéa 3, dudit code, lorsque les faits ont été commis par des militaires de la gendarmerie dans l'exercice de leurs fonctions relatives à la police judiciaire ou administrative et ne constituent pas des infractions commises dans le service du maintien de l'ordre."

Ainsi, pour la juridiction suprême, la demande d'avis n'a pas été être établie lorsque les JDCS ne sont pas saisies.

S'agissant du cas d'espèce et des faits de la cause, la juridiction suprême rejette les pourvois formés n rappelant que la Chambre de l'instruction avait fait une exacte application des textes "dès lors que les faits objet de l'information ont été commis par des militaires de la gendarmerie dans le cadre d'une mission de police judiciaire".

Ainsi, le premier critère de la compétence de la juridiction de droit commun pour les gendarmes et s'agissant d'infractions commises en service demeure celui des circonstances de la commission des infractions à savoir dans l'exercice des fonctions relatives à la police judiciaire ou la police administrative ainsi que le confirme la simple lecture de l'article 697-1 du code de procédure pénale qui énonce :

"Les juridictions mentionnées à l'article 697 connaissent des crimes et des délits commis sur le territoire de la République par les militaires dans l'exercice du service.

Ces juridictions sont compétentes à l'égard de toutes personnes majeures, auteurs ou complices, ayant pris part à l'infraction.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa ci-dessus, ces juridictions ne peuvent connaître des infractions de droit commun commises par les militaires de la gendarmerie dans l'exercice de leurs fonctions relatives à la police judiciaire ou à la police administrative ; elles restent néanmoins compétentes à leur égard pour les infractions commises dans le service du maintien de l'ordre.

Si le tribunal correctionnel mentionné à l'article 697 se déclare incompétent pour connaître des faits dont il a été saisi, il renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera ; il peut, le ministère public entendu, décerner par la même décision mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu.

Les JDCS retrouvent leur compétence spécifique et donc l'ensemble des règles qui y gouvernent s'agissant des infractions commises par les gendarmes pour les infractions commises dans le service du maintien de l'ordre et pour toutes leurs autres activités ; ce qui explique d'ailleurs la compétence des juridictions spécialisées s'agissant notamment des affaires de violences sur subordonné ou sur supérieur, harcèlement moral, harcèlement sexuel et autres délits de droit commun commis en service.

Pour aller plus loin sur le sujet, retrouvez les articles de notre blog et notamment :

° droit pénal militaire : les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (JDCS) en cliquant ici 

° droit pénal militaire : peine d'amende et droit fixe de procédure en cliquant ici

° l'article 698-1 du Code de procédure pénale : une spécifique du droit des militaires en cliquant ici 

° Elodie MAUMONT, avocat associé de MDMH AVOCATS spécialisé en droit pénal militaire en cliquant ici

mais également notre article publié sur le site village de la justice en cliquant ici 

© MDMH – Publié le 18 mai 2023

Maître Elodie MAUMONT
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