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Protection fonctionnelle : la gendarmerie condamnée à payer les frais d’avocats

Depuis plusieurs années, l’administration et tout particulièrement le Ministère des armées par sa direction des affaires juridiques (DAJ) et la Gendarmerie nationale par la voie de sa Direction générale et notamment son BRPF (bureau des recours et de la protection fonctionnelle) ne craignent pas d’afficher qu’ils accordent assez largement la protection fonctionnelle à leurs agents victimes de faits qualifiés de harcèlement moral et sexuel en application de l’article L 4123-10 du code de la défense.

Très récemment dans son rapport du 10 juin 2024 suite au mouvement du #metoodesarmées, l’interpellation de la Capitaine Laëtitia SAINT PAUL (alors députée), du Sénateur Grégory BLANC  et la mission commandée par le Ministre des armées, le collège des inspecteurs généraux des armées rappelait que la protection fonctionnelle s’intégrait, par l'instruction ministérielle du 26 mars 2024, dans le cadre des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour la protection des victimes et en faisait l’objet de deux de ses recommandations (cf. n°4 et 5).

L’instruction du 28 juin 2024 sur la mise en œuvre d’un programme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein du ministère des armées en fait également mention.

Mais qu’en est il dans les faits ?

Qu’en est il de la réalité et l’effectivité de ces protections au-delà des mots ?

C’est précisément ce que vient illustrer la décision rendue le 26 juin 2024 par le tribunal administratif de RENNES et une affaire défendue par MDMH AVOCATS.

Les faits de la cause

Ainsi que le rappelle le tribunal :

« par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, et des mémoires enregistrés les 9 juin 2022 et 4 juin 2024, Mme ……………., représentée par la SELARL MDMH, demande, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 26 avril 2022 du ministre de l’intérieur rejetant son recours administratif préalable obligatoire, exercé le 29 septembre 2021 auprès de la commission des recours des militaires, relatif à sa demande de prise en charge des frais et honoraires d’avocat versés pour la rédaction d’une plainte déposée auprès du procureur de la République ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de lui rembourser les frais et honoraires d’avocat engagés dans le cadre de la procédure pénale, de lui accorder la protection fonctionnelle et de conclure une convention d’honoraires tripartite avec elle et son conseil, dans un délai d’un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative »

Reprenant les termes des écritures de MDMH AVOCATS, le tribunal poursuit que la requérante soutient notamment que :

- elle a été, dans le cadre de ses fonctions, victime d’un harcèlement moral de la part de certains de ses collègues et a obtenu le bénéfice de la protection fonctionnelle par une décision du 17 mai 2021 ;

- elle a droit au remboursement de la somme de 4 140 euros correspondant aux honoraires d’avocat dont elle s’est acquittée pour la rédaction d’une plainte simple auprès du procureur de la République à l’encontre des auteurs de ces faits ;

- la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que, pour refuser de prendre en charge ses frais d’avocat, le ministre de l’intérieur ne peut légalement lui objecter qu’elle ne serait pas impliquée dans un procès pénal du seul fait qu’elle n’aurait déposé qu’une plainte simple auprès du procureur de la République et dès lors que le bénéfice de la protection fonctionnelle ne saurait être subordonné à l’exercice d’une voie pénale particulière, en particulier à une plainte avec constitution de partie civile, le dépôt d’une plainte simple étant en outre une condition de recevabilité d’une telle plainte..

La juridiction rappelle également par un mémoire enregistré le 23 mai 2024 le ministre de l’intérieur et des outre mer a conclu au rejet de la requête.

MDMH AVOCATS observera que ledit mémoire a été régularisé à quelques jours seulement de l’audience devant se tenir devant la juridiction administrative et plus de 2 ans après le dépôt de la requête initiale, circonstances factuelles et temporelles démontrant si besoin la posture procédurale adoptée par les services des ministères qui, profitant de l’encombrement des juridictions administratives, retardent l’audiencement des affaires en cours … et ce, au préjudice de leurs agents qui eux attendent l’issue de procès pouvant parfois changer leurs vies personnelle et professionnelle …

La rédaction de la plainte pénale par un avocat et les honoraires y afférent doivent être pris en charge au titre de la protection fonctionnelle

Rappelant les dispositions légales et notamment l’article L 4123-10 du code de la défense ou encore les articles 1 et 2 du décret 2014-920 du 19 août 2014, le tribunal administratif de RENNES rappelle le principe selon lequel :

"Si ces dispositions font obligation à l’administration d’accorder sa protection au militaire victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dans l’exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d’une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu’il a lui-même introduites, elles n’ont pas pour effet de contraindre l’administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l’intégralité de ces frais. L’administration peut décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à l’agent qu’une partie seulement des frais engagés lorsque, notamment, ces frais n’étaient pas nécessaires pour assurer la défense de l’agent ou correspondent à des honoraires dont le montant apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l’absence de complexité particulière du dossier. En outre, en l’absence de convention d’honoraires, il appartient à l’agent, au fur et à mesure du règlement des honoraires qu’il effectue auprès de son conseil, d’en demander le remboursement à l’employeur dont il dépend."

En suivant et appliquant ces principes et suivant l’argumentation soutenue et défendue par MDMH AVOATS la juridiction rappelle par une motivation extrêmement claire :

"Alors que Mme …………. s’est vu accorder, par une décision du 17 mai 2021, le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des faits de harcèlement moral dont elle a été victime dans l’exercice de ses fonctions, il ne résulte ni des dispositions citées au point 2 ci-dessus, ni d’aucune autre disposition applicable, que puissent être exclus, par principe, du bénéfice des remboursements qu’elles prévoient, les frais exposés par l’agent victime de tels agissements pour déposer une plainte contre leur auteur, au seul motif qu’une telle plainte ne serait pas assortie d’une constitution de partie civile, alors qu’une plainte simple est toujours susceptible de déboucher, à l’appréciation du ministère public, sur la mise en œuvre de poursuites contre l’auteur des faits. »

Répondant à l’argumentation de l’administration selon laquelle les mesures décidées par l’administration auraient prétendument suffi à protéger son agent et qu’elle serait seule à en décider le tribunal administratif ajoute :

«  A cet égard, la circonstance que plusieurs mesures avaient déjà été prises pour assurer la protection fonctionnelle de la requérante, notamment la conduite d’une enquête de commandement permettant d’établir les faits, ne suffit pas à priver l’intéressée

du droit de bénéficier d’une prise en charge des frais qu’elle était susceptible d’exposer dans le cadre de poursuites pénales ultérieures contre leur auteur. »

Le tribunal administratif ajoute également :

"Par ailleurs, la circonstance qu’aucune convention d’honoraires n’a été conclue avec l’avocat de Mme …………… ne fait pas davantage obstacle, par principe, à ce que l’intéressée puisse être remboursée, conformément aux dispositions de l’article 1er du décret du 19 août 2014 précité, des frais exposés au fur et à mesure de leur règlement soit à quelques jours à peine de l’audience »

Le contrôle des honoraires par le juge administratif

Poursuivant son analyse et s’agissant tout particulièrement des honoraires émis par MDMH AVOCATS le tribunal retient :

"Il résulte de l’instruction que, par un courrier du 12 novembre 2018 adressé à Mme …………après une enquête administrative, le chef de l’inspection générale de la gendarmerie nationale a reconnu que Mme ....... a fait l’objet d’un harcèlement moral. Cette dernière, par l’intermédiaire de son avocat, a déposé une plainte, régularisée le 19 mai 2021, auprès du procureur de la République pour des faits, notamment de harcèlement moral, à l’encontre des auteurs de ces faits. Il résulte de l’instruction, en particulier du contenu de cette plainte rédigée par le conseil de Mme …….. circonstanciée, d’une longueur de trente pages et comprenant l’analyse détaillée de trente-quatre pièces figurant en annexe, que la somme de 4 140 euros versée par Mme ………. au titre des honoraires d’avocat n’est pas manifestement excessive au regard, d’une part, du temps passé, évalué dans la note d’honoraires du 30 juillet 2021 à quinze heures, pour la lecture et l’analyse de l’ensemble des pièces du dossier de l’intéressée, dont l’enquête de commandement et le signalement à la cellule Stop-Discri, et la rédaction de la plainte, ainsi que, d’autre part, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession." 

Ce faisant la juridiction administrative annule la décision du ministre rendue sur recours CRM pour erreur manifeste d’appréciation et condamne la partie défenderesse à verser le complément de provision fixée par une première décision sur référé provision rendue le 1er février 2023 que nous avions déjà évoquée sur notre blog (cf. ARTICLE)

L’Etat est également condamné à payer la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la requérante s’agissant de la présente procédure.

MDMH AVOCATS ne peut que se satisfaire et réjouir de cette décision qui vient tout simplement rappeler ce que doivent être la réalité et l’effectivité de la protection fonctionnelle et ainsi la prise en charge des frais d’avocats.

Ainsi au-delà d’une simple affichage, permettant de faire croire à ceux qui s’en enquièrent que l’Etat protège par principe ses agents victimes, la protection fonctionnelle doit être effective, efficace et permettre la prise en charge réelle et entière des victimes et nécessairement et en celle-ci les frais d’avocats.

Il est des combats dont on sait qu’ils seront un jour victorieux et pour lesquels la persévérance, la patience et l’opiniâtreté sont les qualités de ceux qui les mènent malgré la résistance voire même l’opposition de l’administration

Il en est ainsi de l’effectivité de la protection fonctionnelle.

MDMH AVOCATS salue Mme ……… pour sa détermination et son action.

MDMH AVOCATS espère ne pas à avoir à initier de nouvelles procédures de ce type qui ne font qu’ajouter du mal au mal pour les victimes qui sont concernées.

MDMH AVOCATS  souhaite, en toute transparence, que des relations saines et pérennes puissent être entretenues avec les services compétents des ministères lorsqu’il s’agit d’évoquer la protection fonctionnelle et notamment le libre choix de l’avocat, les diligences nécessaires devant être accomplies au soutien des intérêts des militaires concernés, le conventionnement et les modalités de fixation des honoraires …

Pour aller plus loin sur le sujet : 

https://www.mdmh-avocats.fr/2023/02/03/ladministration-ne-peut-exclure-par-principe-la-prise-en-charge-des-frais-davocats-pour-la-redaction-dune-plainte-simple-au-titre-de-la-protection-fonctionnelle-fonctionnelle/

https://www.mdmh-avocats.fr/2017/09/29/difference-entre-protection-juridique-de-ladministration-protection-fonctionnelle/

© MDMH – Publié le 5 juillet 2024

Maître Elodie MAUMONT
Maître Elodie MAUMONT
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