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Agression sexuelle et harcèlement moral dans les armées : analyse de l'arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2024

Une avancée dans la reconnaissance des droits des victimes d'agression sexuelle et de harcèlement moral dans les armées

La décision rendue par la Chambre criminelle de Cour de cassation le 11 décembre 2024 (Pourvoi 24-80.832) a annulé un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz en matière d'agression sexuelle et de harcèlement moral dans un contexte militaire.

Ce dossier, défendu par notre cabinet MDMH AVOCATS, depuis près de 12 ans et, en cassation, par notre confrère Jérôme ROUSSEAU (SCP ROUSSEAU TAPIE), met en lumière les obstacles auxquels les victimes de violences sexuelles et psychologiques dans les armées se heurtent encore aujourd'hui, ainsi que les insuffisances de certaines juridictions pour appréhender ces affaires avec la rigueur nécessaire.

Contexte : le mépris de la parole des victimes et la "loi du silence" dans les armées

Le cas de Julia (nom d’emprunt) illustre parfaitement les difficultés rencontrées par les victimes pour dénoncer des faits d'agression sexuelle et de harcèlement moral au sein des armées.

Ces faits, perpétrés dans un environnement dominé par une hiérarchie stricte et un esprit de corps souvent exacerbé, sont fréquemment passés sous silence.

La "loi du silence" reste prégnante, dissuadant les victimes de dénoncer par peur des représailles, du discrédit ou de la marginalisation professionnelle.

Depuis l’émergence du mouvement #MeToo, les armées françaises ont été confrontées à des révélations accablantes concernant les violences sexuelles.

Malgré une prise de conscience progressive et diverses mesures mises en œuvre à grand renfort de communication, il reste à démontrer que les institutions judiciaires sont capables de protéger efficacement les victimes et de sanctionner les auteurs, même au sein de cet univers particulier où l’inacceptable est parfois toléré et accepté.

La position critiquable de la juridiction de Metz

Dans son arrêt du 9 janvier 2024, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz avait confirmé une ordonnance de non-lieu concernant des faits d'agression sexuelle, de harcèlement moral, de violences sur subordonné et d'outrage commis au préjudice de Julia.

  • Sur l'agression sexuelle : Les juges avaient certes retenu que Julia avait bien subi de son supérieur hiérarchique un attouchement à caractère sexuel pratiqué par surprise, à savoir une "tranchante", geste consistant à mettre sa main dans l’entrejambe d’autrui se trouvant de dos, et la remonter du sexe à l’anus.

Pour autant et d’une manière totalement incompréhensible pour Julia et MDMH AVOCATS, ils avaient estimé qu'il ne s'agissait pas d'une agression sexuelle en raison de l’absence d’intention coupable de son auteur.

Pour juger cela, les juges s’étaient ainsi fondés sur l’"erreur sur la personne" que le prévenu déclarait avoir commise et avaient argué que ce comportement était admis, au sein du régiment, entre personnes du même sexe, avec l’accord présumé de la personne sur qui il était pratiqué. De sorte que l’excuse du mise en cause pouvait être retenue.

 

  • Sur le harcèlement moral : La juridiction avait limité l’appréciation de la répétition des agissements incriminés à leur fréquence dans le temps, sans examiner leur effet cumulé sur les conditions de travail de Julia, ni les limites du pouvoir hiérarchique.

 

  • Sur les violences et outrages à subordonné  : La chambre de l’instruction avait considéré n’y avoir lieu à reprendre cette incrimination en raison des termes du mémoire de la partie civile

Une décision salutaire de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé cette décision pour insuffisance de motifs et violation des textes applicables :

  • Sur l’agression sexuelle : La Chambre criminelle est revenue sur l’analyse de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Metz et considéré de manière claire et explicite :

« En prononçant ainsi, alors qu’elle a constaté qu’un attouchement à caractère sexuel avait été pratiqué par surprise sur la personne de la partie civile, et que ce geste était volontaire, son auteur ne pouvant s’en exonérer en invoquant une erreur sur la personne qu’il était en mesure d’éviter, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé. »

 

  • Sur le harcèlement moral : La Cour critique l’approche limitative des juges tant sur la restriction de la période temporelle visée que sur les comportements dénoncés relevant notamment que les juges n’ont pas évalué si les faits excédaient les limites du pouvoir hiérarchique, quel que soit le comportement professionnel de la victime.

 

  • Sur les violences et outrages à subordonné : En écartant l’analyse de ces infractions, sous prétexte qu’ils n’étaient pas développés dans le mémoire d’appel, la cour d’appel de Metz a violé son obligation de se prononcer sur l’ensemble des infractions poursuivies.

Les enseignements de cet arrêt pour le "#MeToo des armées" et les victimes de VSS

Cette décision est une victoire importante pour les victimes de violences sexuelles et de harcèlement dans les armées.

Elle souligne que le contexte particulier de la vie militaire, bien qu'exigeant, ne saurait justifier des comportements contraires à la loi ni une tolérance institutionnelle envers les infractions, notamment s’agissant de gestes prétendument admis et tolérés tels que la "tranchante" qui sont en réalité de véritables actes d’agression sexuelles.

Cependant, cet arrêt met aussi en évidence les résistances persistantes au sein de certaines juridictions pour appliquer pleinement les textes en matière de violences sexuelles et morales contraignant ainsi la victime à poursuivre son parcours du combattant pour que justice soit rendue.

L’indulgence manifeste de la juridiction de Metz, qui semble avoir minimisé les faits, reflète une certaine forme complaisance avec certains comportements dans les armées et peut inquiéter.

Conclusion

Chez MDMH AVOCATS, nous nous engageons à poursuivre nos actions pour la reconnaissance des droits des victimes dans un environnement où la parole peine encore à être entendue.

L’affaire de Julia rappelle que chaque victoire judiciaire contribue à ébranler la "loi du silence" et à faire progresser la lutte contre les violences sexuelles et morales dans les armées.

La bataille est loin d’être terminée, mais cet arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation marque une avancée majeure sur le chemin de la justice.

MDMH AVOCATS salue tout particulièrement le parcours de Julia, qui se bat depuis plus de 12 ans pour faire condamner les faits qu’elle a subis au sein du bureau des sports du 13ème régiment du Génie.

Julia fait preuve d’un courage, d’une persévérance et d'une résilience qui doivent être remarqués et salués et qui nous obligent et nous rendent extrêmement fières d’être à ses côtés pour porter sa cause.

Le combat continue.

Pour aller plus loin :

© crédit photo PeopleImages

© MDMH – Publié le 23 janvier 2025

Maître Elodie MAUMONT
Maître Elodie MAUMONT
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