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Harcèlement sexuel dans les armées : le Défenseur des droits recadre une nouvelle fois le ministère des armées

Ainsi que nous l'avions rapporté, il y a quelques mois, maintenant sur notre blog (lire en ce sens notre article du 3/12/2021) le Défenseur des droits adoptait le 12 avril 2021 une décision cadre n°2021-065 particulièrement instructive sur le harcèlement sexuel dans les forces de sécurité publique.

Le Défenseur des droits, après avoir établi alors un constat particulièrement sévère quant aux carences et dysfonctionnements constatés, adressait aux Ministères de l'Intérieur et des Armées diverses recommandations générales pour permettre une meilleure prise en charge de la problématique du harcèlement sexuel au sein de ces ministères.

Par une décision n°2022-230 du 21 février 2023  et dans un dossier suivi par MDMH AVOCATS, le Défenseur des droits vient, de nouveau, recadrer le Ministère des armées. Focus sur cette décision inspirante.

Critique des méthodes d'enquête interne

Après avoir exposé le parcours procédural de la réclamante, également plaignante puisqu'une procédure pénale est en cours, le Défenseur des droits procède à une analyse juridique des faits de la cause et porte un constat particulièrement accablant sur l'enquête administrative interne menée par le commandement de la militaire victime.

Ainsi, le Défenseur des droits indique sans ambiguïté :

"Le ministère des Armées indique que l’enquête administrative n’a pas permis d’établir la matérialité des propos et gestes à connotation sexuelle et des agressions sexuelles.

Or, la Défenseure des droits estime que la manière dont l’enquête administrative a été menée soulève des difficultés qui compromettent ses conclusions."

Ainsi et plus précisément et alors même que la décision rappelle que la cellule THEMIS en avait rappelé la nécessité, la décision relève que les entretiens conduits par l'enquêteur  n'avaient donné lieu à aucun procès-verbal.

Pire, le Défenseur des droits relève :

"Il résulte des pièces de l’enquête interne que les échanges entre l’enquêteur et les témoins ont souvent pris la forme d’un entretien verbal puis d’une déclaration écrite du témoin supposée retranscrire les réponses données à l’enquêteur."

ou encore :

"De plus, il est impossible de connaître les questions posées par l’enquêteur afin de s’assurer qu’elles couvraient l’ensemble des faits signalés par l’intéressée et qu’elles étaient formulées de façon suffisamment ouverte pour ne pas orienter les déclarations des agents auditionnés."

Le Défenseur des droits s'interroge également sur l'impartialité et l'absence de formation de l'enquêteur relevant notamment :

  • le tutoiement utilisé par l'enquêteur,
  • les liens hiérarchiques et fonctionnels de la direction d'emploi à l'égard du mis en cause,
  • l'absence de formation criante de l'enquêteur.

Le Défenseur des droits en déduit ainsi que :

"Ainsi, la façon dont l’enquête administrative a été menée soulève plusieurs difficultés de nature à affaiblir ses conclusions et à justifier qu’une analyse différente puisse être retenue."

MDMH AVOCATS souscrit évidemment à cette analyse et y associe, toutes celles et ceux, qui viennent à subir ce même type d'enquêtes qui peuvent parfois les décourager à poursuivre leurs actions de dénonciation pourtant parfaitement légitimes.

MDMH AVOCATS souscrit à la recommandation du Défenseur des droits pour que les enquêtes administratives internes soient réalisées par des personnes extérieures au service dont l'impartialité ne peut être sujette à discussion.

Reconnaissance du harcèlement sexuel subi par la réclamante

Fort de ce constat et de ses investigations le Défenseur des droits relève, tout au contraire :

"De fait, les éléments apportés par le ministère des Armées lors de l’instruction contradictoire de la réclamation de Madame X n’ont pas permis de renverser la présomption de harcèlement sexuel ainsi établie par la réclamante.

La Défenseure des droits constate que les propos tenus par Monsieur Y, dont elle tient la matérialité pour établie, dénotent une connotation sexuelle. Elle relève leur caractère répété et obscène, élément dégradant de nature à porter atteinte à la dignité de la réclamante. Au surplus, le comportement de Monsieur Y, notamment ses visites nocturnes devant les quartiers de la réclamante, sont non seulement propres à créer une situation intimidante, mais constituent également une pression grave dans le but d’obtenir un acte sexuel.

Dès lors, la Défenseure des droits considère que les faits dénoncés par Madame X sont constitutifs de harcèlement sexuel et caractérisent une discrimination au sens de l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008."

Les mesures de protection et d'indemnisation de la victime

Le Défenseur des droits relève que le déclenchement rapide d'une enquête interne après le signalement de la plaignante auprès de la cellule THEMIS, l'attribution de la protection fonctionnelle dans le cadre de la procédure pénale, ou encore de l'attribution d'un CLDM en lien avec le service après intervention de la cellule THEMIS sont autant d'éléments témoignant du souci du Ministère des Armées, quasi exclusivement via la cellule Thémis de "prendre en compte la dégradation de l’état de santé de Mme X et de ne pas aggraver ses préjudices, ce qui est conforme aux recommandations du Défenseur des droits (décision n°2021-065 précitée).

En revanche, le Défenseur des droits rappelle que :

"Au regard de la jurisprudence administrative, il convient de rappeler que la protection fonctionnelle due au militaire se matérialise donc non seulement par la prise en charge des frais de justice et d’avocats communément admise par les administrations, mais également par la réparation du préjudice subi par l’agent."

Le Défenseur des droits critique également :

  • la faiblesse de la sanction disciplinaire infligée au harceleur principal,
  • ou encore l'absence d'investigations dans le cadre de l'enquête de commandement quant au nombre d'agentes victimes et la similitude des comportements dénoncés alors que le harceleur et son son responsable semblent avoir mis en place un système de domination par la peur dont le personnel féminin a été victime ...

La encore, MDMH AVOCATS souscrit à ce constat et aux recommandations formulées notamment quant à l'étendue de la protection fonctionnelle. 

De nouvelles recommandations adressées au Ministère des armées

Au delà de la situation personnelle de la réclamante, le Défenseur des droits demande expressément à Monsieur le Ministre des armées :

"D’adresser une note aux services gestionnaires qui rappelle la portée du droit à la protection fonctionnelle au-delà de la seule prise en charge des honoraires d’avocat ;

De faire appel à une personne qualifiée extérieure au service ou à une cellule indépendante de la ligne hiérarchique pour la réalisation des enquêtes portant sur des faits de harcèlement ;

De rappeler les garanties nécessaires à la réalisation d’une enquête administrative objective en complétant éventuellement le « vade-mecum des bonnes pratiques et obligations dans le cadre de la lutte contre les infractions sexuelles et sexistes ainsi que les discriminations de toute nature au sein du ministère des Armées » ;

De veiller, notamment par le biais de formations destinées aux encadrants et aux membres des CAP, à ce que les agissements à connotation sexuelle fassent l’objet de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives."

et de l'informer des suites réservées dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la décision.

MDMH AVOCATS sera évidemment attentif aux nouvelles mesures mises en œuvre par le Ministère des Armées.

Dans cette attente, MDMH AVOCATS salue le courage de la soldate de 1ère classe qui, malgré l'enfer qu'elle a vécue, a su trouver la force de dénoncer ce qu'elle a subi et de poursuivre encore aujourd'hui le combat pour recouvrer sa dignité.

Pour consulter et lire en intégralité la décision n° 2022-230 du 21 février 2023 : cliquer ici 

Pour lire notre article sur la décision cadre du 12 avril 2021 : cliquer ici

et nos articles sur le même thème et notamment : 

  • Harcèlement moral et prise en charge des frais d'avocat devant le tribunal administratif en cliquant ici 
  • Recueil, traitement et signalements des faits de violences, de discrimination et de harcèlement au ministère des armées en cliquant ici 

© MDMH – Publié le 10 mars 2023

Maître Elodie MAUMONT
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