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Le harcèlement moral constitué par une succession de mesures défavorables préjudiciables à l'agent

Publié le 18/10/22

La reconnaissance judiciaire du harcèlement moral est souvent un combat de longue haleine. Il en est ainsi que ce soit devant les juridictions pénales ou administratives qui peinent parfois à retenir la qualification de harcèlement moral des faits subis et contraignent les plaignants et/ou requérants à poursuivre leur contentieux en appel voir en cassation. Cas d'école

L'enchaînement de mesures défavorables

C'est ainsi que, dans un arrêt remarqué du 14 avril 2022, la Cour administrative d'appel de BORDEAUX a considéré que les agissements répétés suivants permettaient de retenir l'existence d'une présomption de harcèlement moral.

Il en est ainsi : 

  • du dessaisissement progressif de fonctions et de responsabilités, 
  • de la mise en œuvre d'un processus de mise à l'écart,
  • d'un manque de soutien de la hiérarchie malgré la dénonciation par l'agent concerné d'une agression physique par un autre personnel.

Plus précisément la Cour administrative d'appel relève expressément que :

"Si l'université a alors procédé à une tentative de médiation entre la victime et son agresseur qui a échoué, qu'elle a par la suite accordé à la requérante la protection fonctionnelle et qu'elle a saisi le conseil de discipline sur demande de Mme B..., elle n'a pris aucune mesure destinée à protéger temporairement la requérante qui venait de subir une agression physique par un membre de la direction ayant autorité sur l'organisation de son travail. Au contraire, il résulte des pièces du dossier que si la directrice adjointe, agresseur de la requérante, a déclaré se mettre temporairement en retrait de ses fonctions, d'une part il ne résulte pas des pièces du dossier que tel a été le cas, d'autre part, le directeur de l'ESPE a manifesté son souhait de la maintenir dans ses fonctions, puis l'a proposée au poste de directeur par intérim pour le remplacer en juin 2017. (...)"

La Cour ajoute également que :

"5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'université a saisi le conseil de discipline compétent des faits d'agression de Mme B..., sur demande de celle-ci mais que le conseil de discipline ne s'est prononcé qu'environ deux ans plus tard."

Elle relève au surplus notamment que :

"6. En troisième lieu, il résulte clairement des pièces du dossier et de la chronologie des faits, que postérieurement à son agression, Mme B... dont il n'est pas soutenu que ses enseignements ou ses responsabilités pédagogiques n'avaient pas donné satisfaction par le passé, a vu ses enseignements diminuer considérablement à la rentrée universitaire 2016. (...)"

Enfin, la Cour ajoute :

"7. En quatrième lieu, et alors que Mme B... est élue depuis 2015 en qualité de vice-présidente du conseil d'administration de l'Université et qu'elle siège au bureau, en février 2018 le directeur devenu président de l'université a décidé d'évincer la requérante de cet organe."

La Cour en déduit justement que ces agissements ont entraîné une dégradation des conditions de travail de la requérant.

Elle ajoute que la requérante a également subi une altération de son état de santé.

De ce chef, la Cour retient une motivation particulièrement intéressante selon laquelle : "Ces mêmes agissements ont également conduit à une altération de son état de santé l'ayant amené à consulter le médecin de prévention, à être placée sous traitement médicamenteux et suivi psychologique alors qu'elle soutient sans être contredite ne jamais avoir fait l'objet auparavant de congé de maladie."

La cour en conclut justement que "A supposer même que les autres griefs formulés par la requérante ne soient pas fondés, ces éléments suffisent et sont susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué."

L'absence de démonstration de l'intérêt du service

Une fois la présomption retenue et ainsi que l'avait rappelé la Cour dans son considérant liminaire "Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement".

Or, de ce chef, l'administration défenderesse est défaillante dans l'administration de cette preuve.

En effet, la Cour administrative relève ainsi que :

"9. Pour démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, l'université se borne à soutenir que l'intérêt du service justifiait le maintien en fonction de la directrice adjointe, et la redistribution des fonctions et enseignements de Mme B..., mais n'apporte pas d'élément probant de nature à justifier les nombreuses mesures défavorables à la requérante qui ont été prises peu après l'agression dont elle a été victime et qui se sont succédées sur plusieurs années. Sur la tardiveté à se prononcer du conseil de discipline, si l'université fait valoir que le retard dans la mise en œuvre de la procédure disciplinaire résulte de la suspension de cette procédure du fait de tentatives de médiation, il incombait à l'université de s'assurer de l'avancée de ses démarches, dès lors que les tentatives de médiation n'avaient pas abouti, y compris la démarche de Mme B... qui avait proposé à son agresseur de mettre fin à leur différend par un courrier que son agresseur a refusé de signer."

Ainsi et une nouvelle fois, la Cour administrative d'appel de BORDEAUX rappelle la nécessité pour l'administration défenderesse de réellement rapporter la preuve des faits et explications qu'elle avance.

Si besoin en est et comme nous le rappelons régulièrement, répété un mensonge n'est fait pas une vérité.

L'administration doit s'astreindre à un régime probatoire.

La Cour administrative d'appel en conclut ainsi que :

"Aussi, par leur nombre, leur répétition et l'incidence de ces mesures sur la santé et la carrière de l'intéressée, les faits décrits aux points 4 à 7 doivent être regardés comme constitutifs de harcèlement moral et sont de nature à engager la responsabilité de l'université. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande sur ce point."

En suivant l'arrêt se penche sur le droit à réparation de l'agent concerné et des frais engagés au titre de l'article L 761-1 du Code de justice administrative.

MDMH AVOCATS salue la persévérance de la requérante et la motivation de la décision rendue par la Cour administrative d'appel de BORDEAUX.

MDMH AVOCATS vous conseille et/ou vous assiste tant devant les juridictions pénales qu'administratives.

N’hésitez pas à nous contacter : https://www.mdmh-avocats.fr/droit-penal-militaire-justice-militaire/

Pour lire l'arrêt de la Cour administrative d'appel : cliquer ici 

Sur le même thème retrouvez les articles de MDMH AVOCATS et notamment :

° Dénonciation légitimé du harcèlement moral et respect du devoir de réserve : le contrôle du Conseil d'Etat, en cliquant ici 

° Recueil, traitement et signalements des faits de violences, de discrimination et de harcèlement au ministère des armées, en cliquant ici 

© MDMH – Publié le 18 octobre 2022

Maître Elodie MAUMONT
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