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Réseau social, liberté d’expression et sanction disciplinaire des militaires

Publié le 08/01/21

Aux termes de l’article L 4121-2 du Code de la défense, le militaire est astreint à un devoir de réserve. Ce devoir de réserve lui impose de ne pouvoir s’exprimer en toute liberté, qu’il soit en ou hors service, ainsi que vient de le rappeler le Conseil d’Etat dans un arrêt du 29 décembre 2020 (N°440256) . Illustration

Les faits de la cause

Les faits de la cause concernent un Officier, Capitaine de l’armée de terre qui, selon la Haute assemblée, sans qu’on n’en connaisse précisément ses termes, avait publié le 29 juin 2018 un message critique sur la page du réseau social Facebook consacrée au 1er régiment du service militaire volontaire, auquel il était précédemment affecté.

Pour ce message "critique" selon les termes du Conseil d’Etat, le requérant s’était vu infliger une sanction de 30 jours d’arrêts, sanction du 1er groupe relativement lourde quant au quantum du nombre de jours attribués.

Le devoir de réserve : définition

Ainsi que le rappelle la page « devoir de réserve, discrétion et secret professionnel dans la fonction publique » parue sur service-pulic.fr, l’obligation de réserve concerne le mode d’expression des opinions et non leur contenu.

En bref, le militaire peut donc penser ce qu’il souhaite – sous réserve de la commission d’une infraction pénale – et ainsi la liberté d’opinion lui est reconnue, l'article L 4121-2 du Code de la défense disposant :

"Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres.

Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression. Elle ne fait pas obstacle au libre exercice des cultes dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte.

Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la loi, les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent.

L'usage de moyens de communication et d'information, quels qu'ils soient, peut être restreint ou interdit pour assurer la protection des militaires en opération, l'exécution de leur mission ou la sécurité des activités militaires."

Le devoir de réserve n’est pas incompatible avec la liberté d’expression

Après avoir balayé les griefs de vice de procédure et d’erreur de faits soulevés par le requérant, la Haute Assemblée retient par une motivation explicite que le devoir de réserve n’est pas incompatible avec la liberté d’expression.

Tout au contraire, reprenant l’alinéa 2 de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui énonce :

"2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire"

le Conseil d’Etat retient par une motivation limpide :

"En troisième lieu, M. B… n’est pas fondé à soutenir qu’en sanctionnant les manquements mentionnés au point 1, l’autorité disciplinaire aurait méconnu les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantissent à toute personne le droit à la liberté d’expression et celui de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, dès lors que la restriction apportée à cette liberté d’expression par l’obligation de réserve qui s’imposait à lui poursuit un but légitime au sens de ces stipulations.

et ainsi que le devoir de réserve n’est pas incompatible avec la liberté d’expression

Poursuivant son entier contrôle, la Haute assemblée retient :

"En quatrième lieu, eu égard, d’une part, au contenu et à la publicité du message de M. B…, qui était de nature à jeter le discrédit sur l’institution militaire, alors même que ce message aurait été diffusé en dehors des heures de service, d’autre part, aux précédentes fautes commises par le requérant ayant donné lieu à des sanctions disciplinaires et, enfin, à son grade et à ses responsabilités, l’autorité militaire  n’a pas inexactement apprécié les faits ni, dans les circonstances de l’espèce et au regard de la marge d’appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée au regard de la faute commise, en lui infligeant la sanction de trente jours d’arrêts."

Ainsi c’est bien au regard de 3 circonstances tenant :

- au contenu du message publié et à sa publicité, rappelons ici que le message a été publié sur la page facebook du régiment et non sur la page personnelle du militaire concerné,

- au passif du requérant, l’arrêt du conseil d’état faisant mention de précédentes sanction disciplinaires,

- et à son grade, à savoir Capitaine et à ses responsabilités,

que le Conseil d’Etat considère que la sanction de 30 jours d’arrêts était ici proportionnée aux faits de la cause et à la situation particulière du militaire concerné.

Ainsi, cette décision pourra être exploitée en référentiel en la matière.

Sur le même thème, retrouvez notamment nos articles :

  • Le devoir de réserve aux confins de la liberté d’expression : cliquer ici
  • Saga Piquemal : le conseil d’état réaffirme l’obligation de réserve des militaires : cliquer ici
  • Un militaire peut-il s’exprimer librement dans une manifestation publique ? cliquer ici 

© MDMH – Publié le 8 janvier 2021

Maître Elodie MAUMONT
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