
Les voies de recours dont disposent les militaires sont strictement encadrées par des délais souvent courts et rigoureux à savoir deux mois à compter de la décision faisant grief.
Pourtant, le Conseil d’État rappelle avec constance que ces contraintes ne peuvent priver un militaire de son droit à réparation lorsqu’il est victime d’une faute de l’administration.
En consacrant pleinement l’autonomie du recours indemnitaire, la haute juridiction garantit une voie de justice efficace, permettant d’obtenir réparation des préjudices subis, que cela concerne la carrière, le statut du militaire, la santé (CLM/CLDM) ou encore la reconnaissance d’un droit et ce, même lorsque la décision initiale est devenue définitive. Cette approche réaffirme la nécessité d’une protection réelle et durable des droits des militaires.
En droit administratif français, les délais de recours contentieux répondent à des principes classiques mais souvent sources de confusion, notamment dans les contentieux militaires et plus précisément l'article 421-1 du code de justice administrative.
Le délai de droit commun pour saisir le juge administratif demeure le délai de deux mois à compter de la notification explicite d’une décision comportant les mentions obligatoires des voies et délais de recours.
En l’absence de ces mentions, ou lorsqu’aucune décision explicite n’est notifiée, le délai de recours peut ne pas courir.
Depuis la jurisprudence "Czabaj" (CE, ass., 13 juill. 2016), un principe de sécurité juridique impose toutefois que le destinataire d’une décision administrative individuelle ne puisse la contester indéfiniment : même en l’absence de mentions des voies et délais de recours, un justiciable doit exercer un recours dans un « délai raisonnable », fixé en principe à un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision.
Cette règle ne concerne toutefois que les recours tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision administrative. Elle n'a pas vocation à s’appliquer aux demandes purement indemnitaires lesquelles tendent à demander la condamnation de l'Etat, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans son arrêt de principe du 17 juin 2019.
Dans cette décision importante, le Conseil d’État a précisé que le « délai raisonnable » d’un an ne s’applique pas lorsque le recours a pour objet la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique, dès lors qu’il est introduit à la suite d’une réclamation indemnitaire préalable. Dans ce cas, ce sont les règles de prescription, et non celles du recours pour excès de pouvoir, qui encadrent l’action.
Ainsi, pour toutes les actions indemnitaires – y compris celles introduites par des militaires – l’administration ne peut pas opposer l’irrecevabilité tirée du dépassement d’un délai d’un an en l'absence de notification des voies et délais de recours.
il y a lieu cependant pour le militaire de former un recours auprès de la commission des recours des militaires au préalable dès lors que c'est une obligation sans laquelle le recours contentieux serait déclaré irrecevable (article R 4125-1 du code de la défense).
Pour les militaires, cette jurisprudence présente un intérêt majeur. Les recours indemnitaires visant à obtenir réparation d’un préjudice financier, statutaire ou de carrière (erreur dans l’appréciation du lien au service, jurisprudence brugnot, sanction illégale, préjudice matériel ou moral, etc.) échappent au délai raisonnable d’un an. Leur recevabilité est appréciée uniquement au regard des règles de prescription, notamment la prescription quadriennale.
Ainsi non seulement le militaire dispose de quatre années pour former une réclamation indemnitaire et ce délai reste le même, même en cas de réclamation restée sans réponse de la part de l'administration ou encore qu'elle ait notifié une décision explicite sans notification de voies et délais de recours. en effet, si la décision rendue notifie au militaire les voies et délais de recours, l'absence de saisine dans ces délais entrainera la forclusion du recours c'est à dire l'extinction de toute voie de recours concernant ladite demande.
Cette solution est déterminante, car de nombreuses décisions militaires ne comportent pas toujours des mentions claires des voies et délais de recours, ou encore des décision de rejet implicites nées du silence de l'administration.
de plus, certains préjudices ne se révèlent qu’avec le temps ainsi, le militaire n’est pas enfermé dans un délai excessivement bref pour agir.
par cet arrêt, le conseil d'Etat permet de replacer le débat contentieux sur son terrain naturel : la faute de l’administration et la réparation intégrale du préjudice subi par le militaire. pour les recours indemnitaires des militaires pour la défense des militaires
Dans le cadre des demandes formées au titre de la jurisprudences Brugnot par exemple, ou en cas d'erreur sur les primes ou indemnités dues au titre d'une mission ou encore lorsqu'un militaire est radié pour inaptitude médicale et que son CLDM est reconnu en lien avec le service à postériori, cette décision de justice offre aux militaires un cadre contentieux plus protecteur. Elle consacre une idée essentielle : le temps ne doit pas priver un militaire de son droit à réparation lorsqu’une faute de l’administration a causé un préjudice réel.
Même lorsqu’une décision n’a pas été contestée dans les délais — parce qu’elle était mal notifiée, insuffisamment motivée, ou simplement incomprise — le militaire conserve la possibilité d’engager un recours indemnitaire autonome, dès lors qu’il démontre la faute, le préjudice et le lien de causalité.
En somme, la responsabilité de l’État n’est jamais fermée tant que subsiste une faute et un préjudice : c’est l’un des fondements les plus solides de la protection juridique des militaires dans l’exercice de leurs fonctions. Attention toutefois à la prescription quadriennale ...
MDMH Avocats accompagne depuis plus de quinze ans les militaires dans la défense de leurs droits, qu’il s’agisse d’imputabilité au service, de révision de pension ou d'indemnisation "Brugnot".
Pour aller plus loin :
Lire notre article sur les arriérés de solde et les délais de prescription : cliquer ici
Lire notre article sur l'interruption de la prescription en cas de recours contentieux (PMI/Brugnot) : cliquer ici
© MDMH – Publié le 28 novembre 2025
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