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Arrêts maladie dans la Marine Nationale : entre droit et suspicion

Publié le 18/09/25

Le Code de la défense prévoit un cadre protecteur pour le militaire malade ou blessé, afin qu’il puisse suspendre temporairement son service tout en conservant ses droits financiers et statutaires.

Le militaire concerné doit nécessairement tenir informé son employeur afin que sa position soit prise en compte.

La Direction du personnel de la  Marine nationale a édicté en février 2024 une note interne concernant la gestion des arrêts maladie et la lutte contre l'absentéisme sous couvert médical.

Celle-ci est particulièrement stricte voire intrusive, où chaque arrêt maladie devient un parcours administratif fastidieux, jalonné de contrôles, de formalismes et de menaces de sanctions.

Le cadre légal et réglementaire : un dispositif clair mais non neutre financièrement

Le Code de la défense prévoit, à l’article L. 4138-3, que tout militaire qui se trouve, en raison d’une maladie ou d’une blessure, dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, est placé en congé de maladie.

Ce même article précise les conditions de rémunération attachées à ce congé :

lorsque la maladie ou la blessure est imputable au service, le militaire conserve l’intégralité de sa solde et de ses droits à l’avancement ;

Les articles R. 4138-3 et R. 4138-3-1 détaillent le régime du congé de maladie ordinaire qui est d'une durée maximale de six mois (180 jours) sur une période de douze mois consécutifs. Durant cette période, le militaire reste en position d'activité lui permettant d'éviter de perdre sa position statutaire.

Ces arrêts maladies peuvent être prescrits indifféremment par un médecin militaire ou civil mais des contrôles médicaux par un médecin militaire sont prévus notamment lorsque les arrêts maladies durent plus de 90 jours ainsi qu'à l'issue des 180 jour.

Par ailleurs, lorsque la maladie ou la blessure du militaire n’est pas considérée comme imputable au service, la situation est moins favorable, puisque la solde de base est réduite de 10 % pendant toute la durée du congé depuis la loi n° 2025-127 du 14 février 2025.

Ainsi, le cadre légal pose des règles claires : le congé de maladie est un droit reconnu, mais il n’est pas sans conséquence financière pour le militaire.

La procédure interne de la Marine nationale : une lourdeur administrative manifeste

Les procédures de contrôle des arrêts maladie sont toujours prévues afin que l'employeur puisse s'assurer de la réalité de l'arrêt maladie et que l'agent respecte bien les prescriptions de cet arrêt.

Dans ce cadre, la direction du personnel de la Marine nationale a élaboré une réglementation interne particulièrement contraignante.

Elle a ainsi édité un ordre permanent, consacré à la gestion des arrêts maladie et à la lutte contre l’absentéisme sous couvert médical qui rend cette période déjà difficile pour une personne dont l'état de santé est fragilisé, particulièrement fastidieuse sans compter son aspect intrusif et suspicieux.

 Des délais de prévenance extrêmement stricts

Dès la prescription de l’arrêt de travail, le marin doit informer son unité dans un délai maximal de quatre heures. Dans les quarante-huit heures, il doit transmettre deux envois distincts :

  • le volet médical (volet 1), contenant le diagnostic, adressé exclusivement au service de santé des armées ;
  • le volet employeur (volet 3), accompagné d’une annexe administrative spécifique, destiné au commandement.

Tout retard ou omission entraîne immédiatement l’ouverture d’une procédure d’absence irrégulière, pouvant justifier une suspension de solde dès le premier jour.

Une obligation de présence renforcée

Pendant son arrêt maladie, le marin est tenu de rester à son domicile déclaré de 9 heures à 11 heures et de 14 heures à 16 heures, y compris les samedis, dimanches et jours fériés et ce même si l'arrêt maladie prescrit prévoit des sorties libres.

Ainsi, le militaire arrêté se voit imposer des règles supplémentaires non prévues par aucun texte et leur non respect risque d'entrainer des conséquences concrètes sur sa rémunération voire son arrêt de travail.

Des contrôles de commandement peuvent être effectués pour vérifier le respect de cette obligation. En outre, le commandement peut demander un contrôle médical via un message officiel (NEMO) semble-t-il à tout moment.

Le non-respect de ces règles expose le militaire à des sanctions disciplinaires et financières.

Des visites médicales obligatoires et répétées à la discrétion du commandement

Lorsque l’arrêt dépasse quinze jours, le militaire doit obligatoirement se présenter à l’infirmerie pour une visite de reprise. Au-delà de vingt et un jours, un certificat médical d’aptitude est exigé. Enfin, dès que le seuil de 90 jours cumulés sur une année est franchi, une convocation devant un médecin militaire est systématique.

La mise en demeure et la menace de désertion

Lorsqu’un arrêt est prescrit par un médecin civil, l’autorité militaire peut contester sa validité. Dans ce cas, le militaire reçoit une lettre de mise en demeure, l’enjoignant de rejoindre son unité sous six jours pour être examiné par un médecin militaire

S’il se conforme à cette injonction, son arrêt est confirmé ou infirmé par le médecin militaire.

En cas de refus ou de non-présentation, il risque une suspension de solde et peut même être déclaré déserteur.

Quand la pratique interne outre passe les termes de la loi

l'analyse de la note internet sur le contrôle des arrêts maladie qui est soi dit en passant particulièrement fastidieux d'un point de vue administratif va à l'encontre de la légalité à plusieurs égards.

certes, le militaire qui est placé en arrêt maladie ordinaire est toujours considéré comme étant en activité toutefois, l'arrêt maladie constitue une position statutaire légale qui ne doit pas se confondre avec un militaire en activité présent sur son poste.

Si le délai de prévenance par l'envoi d'un arrêt maladie apparaît conforme, que dire de "l'obligation" de prévenir au moins oralement dans un délai de 4 heures?

  • Le Code de la défense établit un régime clair : un congé de maladie ordinaire de six mois maximum, constaté par un médecin militaire, garantissant au marin le maintien de ses droits essentiels.
  • La procédure interne de la Marine transforme ce droit en un véritable parcours du combattant administratif : délais contraints, transmissions multiples, obligation de présence, contrôles répétés et sanctions automatiques.

De plus, les dispositions réglementaires applicables prévoit que seul un médecin militaire est habilité à se prononcer sur l'aptitude du militaire à reprendre le service.

Toutefois cette habilitation est elle même encadrée par les textes. En effet tant que le militaire est en arrêt maladie ordinaire, son aptitude n'est pas remise en cause sauf en cas de reprise au delà de 21 jours d'arrêts ou encore à l'issue des 180 jours compte tenu de l'expiration des droits à congés maladie ordinaires.

En effet au delà de cette période, le militaire sera soit déclaré apte avec ou sans restriction par le médecin militaire ou inapte à la reprise du service ce qui entrainera le militaire en position de non activité et ouvrira droit à un congé de longue maladie ou de longue durée pour maladie si son état le nécessite.

Or, la direction du personnel de la Marine Nationale considère que le médecin militaire peut à tout moment se prononcer sur l'aptitude du militaire lequel sera contraint et forcé de reprendre du service s'il était déclaré apte et ce, en dépit d'un arrêt de travail régulièrement délivré par un médecin après un examen médical circonstancié.

Une telle pratique ne nous semble pas légale et contrevient aux droits du militaire malade ou blessé en position de congé maladie ordinaire.

Cette procédure instaurée est de plus très contraignante et fragilise encore plus la situation du militaire malade ou blessé.

Le congé maladie devient ainsi, en pratique, une source de suspicion permanente pour le marin, sommé de prouver à chaque étape la légitimité de son absence.

Un terrain fertile pour le contentieux

Cette complexité administrative ne peut qu'engendrer inévitablement un parcours fastidieux plaçant le militaire dans des situations parfois complexes lui imposant de multiplier les recours et d'avoir à se justifier sur son état de santé sans compter que cela pose de sérieuses questions quant à son droit au secret médical.

Que dire d'ailleurs des arrêts maladie liés à un stress intense au travail, surcharge de travail ou encore des conflits professionnels? Ces situations dans la pratique sont difficilement reconnues par les médecins militaires comme une cause d'inaptitude ...

Si le congé de maladie est un droit prévu par le Code de la défense, son exercice dans la Marine nationale devient un véritable chemin semé d’embûches administratives.

Le contraste entre les textes légaux et la lourdeur des procédures internes illustre les tensions qui traversent le statut militaire : protéger la santé des marins, sans compromettre l’efficacité opérationnelle des forces.

Pour les militaires confrontés à ces difficultés, la vigilance est de mise. Chaque retard, chaque omission peut entraîner des conséquences lourdes. Et c’est précisément dans ce contexte que le recours à un avocat spécialisé permet de sécuriser ses droits, de contester les décisions disproportionnées et de rétablir l’équilibre entre obligation de servir et droit fondamental à la santé.

Pour aller plus loin

Lire notre article : Congés maladie des militaires : la rémunération est impactée en l'absence de lien au service 

lire notre article : Les arrêts maladie et les congés pour maladie des militaires et des gendarmes

© MDMH – Publié le 18 septembre 2025

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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