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Recevabilité d'un recours administratif : La date d'envoi prime

Publié le 04/09/25

Par Edith WULLSCHLEGER, collaboratrice et Aïda MOUMNI, avocat associé

Dans un arrêt rendu le 30 juin 2025 (CE 30 juin 2025 n°494573), le Conseil d’Etat a opéré un revirement jurisprudentiel majeur s’agissant de la date à laquelle il convient de se référer pour apprécier la recevabilité du recours administratif, gracieux et hiérarchique.

En effet, en droit administratif, lorsqu’un militaire souhaite contester une décision de rejet de sa demande ou une décision individuelle défavorable, il dispose d’un délai de deux mois pour ce faire.

La recevabilité du recours administratif (gracieux ou obligatoire comme pour les militaires) conditionne aussi la recevabilité du recours qui pourrait être initié en cas de rejet devant le tribunal administratif.

Habituellement, le recours doit reçu par la juridiction avant l’expiration de ce délai sous peine d’être déclaré irrecevable.

Désormais, un recours sera jugé recevable s’il a été expédié dans le délai de recours contentieux.

En principe, la recours devait parvenir au tribunal avant l’expiration des deux mois

En effet, le Conseil d’État avait jugé de longue date que pour déclarer un recours recevable, il convenait de tenir compte de la date de réception du recours par l’administration pour apprécier sa recevabilité (CE 27 mars 1991 n°114854) ce qui implique en pratique que le militaire qui décide de faire un recours doive anticiper la date d’expiration et s’assurer que sa requête soit parvenue au tribunal avant la fin du délai de recours.

En pratique cette question ne pose pas de difficulté lorsque le recours est adressé en ligne sur le site dédié (www.telerecourscitoyen.fr ) mais en cas d’envoi par courrier même recommandé, une réception par le greffe de la juridiction après ce délai de deux mois était sanctionné par le rejet de la requête pour irrecevabilité sans examen au fond.

L’affaire à l’origine du revirement du 30 juin 2025

Dans le cadre de la décision rendue le 30 juin 2025, la Haute juridiction avait à connaître d’un litige d’urbanisme dans le cadre duquel le requérant avait souhaité attaquer une délibération du conseil municipal du 11 septembre 2018.

Pour contester cette délibération, le requérant disposait d’un délai de deux mois, soit jusqu’au 12 novembre 2018.

Il avait formé un recours gracieux le 10 novembre 2018, mais celui-ci n’avait été reçu en mairie que le 13 novembre 2018, soit un jour après l’expiration du délai de recours qui aurait permis à ce requérant d’interrompre le délai de recours et de proroger le  délai de recours contentieux.

C’est dans ce contexte que son recours contentieux introduit devant le tribunal administratif avait été jugé irrecevable en raison de sa tardiveté.

Cette sévérité procédurale a finalement été assouplie par le Conseil d’État dans son arrêt de principe du 30 juin 2025.

Le nouveau principe dégagé par le Conseil d’État

Le Conseil d’État a expressément indiqué :

« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai. »

Ainsi, le recours gracieux formé par le requérant le 10 novembre 2018 a finalement été jugé recevable dès lors qu’il avait bien envoyé son recours gracieux dans le délai de deux mois.

L’intérêt pratique pour les militaires concerne l’appréciation de la recevabilité d’un recours auprès de la commission des recours des militaires ou de l'Invalidité (CRM/CRI) qui est un préalable obligatoire avant toute procédure contentieuse ou toute instance administrative chargé d’instruire un recours gracieux ou hiérarchique institué par le code de la défense (demande de sur expertise, recours devant le CNSA ou le CMAD etc)

En effet un recours qui serait adressé par courrier à l’une de ces instances avant l'expiration des deux mois mais reçu plus tard sera rejeté du seul fait de cette réception tardive et compromet même la recevabilité d'un recours devant le tribunal qui pourra le relever aussi.

Tel n’est plus le cas désormais.

La solution adoptée s’inscrit dans la continuité d’un précédent revirement de jurisprudence intervenu le 13 mai 2024, où il avait été jugé que, sauf exceptions législatives ou réglementaires, la date d’expédition, établie par le cachet de la poste, faisait foi pour apprécier la recevabilité d’un recours contentieux envoyé par voie postale (CE 13 mai 2024 n°466541).

En effet dans le cas d’un recours qui peut être directement adressé au tribunal administratif sans recours préalable obligatoire tel que les recours contre les sanctions disciplinaires n’auront plus besoin d’être reçus par le greffe avant la date d’expiration du délai de deux mois.

Ainsi, le conseil d’Etat dans un souci d’harmonisation des règles de computation des délais a donc adopté une solution identique pour les recours administratifs et juridictionnels ce qui apparait cohérent,  d’autant plus qu’un délai de deux mois est une période très courte pour présenter un recours dans les faits.

Les raisons de ce changement jurisprudentiel

Comme l’a souligné le rapporteur public, Monsieur Thomas Janicot, ce revirement était nécessaire :

  • d’une part, parce que la date de réception du recours n’était déjà plus appliquée pour les demandes d’aide juridictionnelle, les recours administratifs préalables obligatoires, les recours contentieux et les demandes préalables à la liaison du contentieux indemnitaire ;
  • d’autre part, en raison de l’allongement des délais d’acheminement postal dont les requérants ne sont pas responsables.

Une avancée protectrice pour les justiciables

La solution dégagée par le Conseil d’Etat est ainsi protectrice des intérêts des requérants, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, elle permet d’éviter les pièges contentieux qui pourraient aboutir, par méconnaissance ou par mégarde, à une irrecevabilité, laquelle interdirait toute possibilité d’étudier le bien-fondé d’un litige.

En second lieu, elle permet au justiciable de pouvoir profiter de la totalité du délai de recours qui lui est offert pour former un recours.

Le conseil que MDMH Avocats peut ainsi adresser aux militaires et gendarmes qui nous lisent est de toujours former un recours administratif, gracieux ou hiérarchique par lettre recommandée avec avis de réception toutefois un envoi par France transfert

Seul ce moyen d’envoi postal est de nature à prouver d’une date certaine d’expédition et de réception du recours.

Ces formalités nous semblent de rigueur afin d’éviter tout écueil et permettre à l’administration ou au juge administratif de pouvoir étudier la totalité des prétentions formulées dans le cadre d’un recours.

Il existe cependant la possibilité d’envois en format numérisé grâce au développement des moyens de transmission numériques. Ainsi, la commission des recours des militaires accepte les envois transmis via la plateforme France transfert. Tandis que les juridictions administratives ont mis en place le portail Télérecours citoyen au moyen duquel la requête et les pièces peuvent être transmises.

Attention malgré tout à ne jamais dépasser le délai de deux mois !

Chez MDMH AVOCATS, nous accompagnons et défendons les militaires dans le cadre des recours administratifs et/ou judiciaires qu'il souhaitent entreprendre.

Pour aller plus loin :

consulter notre article sur la procédure de transmission à la CRM/CRI cliquer ici 

consultez la fiche pratique sur la procédure devant la CRM cliquer ici 

© MDMH – Publié le 4 septembre 2025

 

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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