Les militaires de carrière ou de contrat peuvent être amenés à être admis à des formations financées par le ministère des armées dont certaines sont considérées comme étant spécialisées en fonction du temps de formation ou des besoins des forces armées.
Dans ce cadre, les militaires concernés doivent s’engager à rester en activité pour une durée plus ou moins longue sous peine de rembourser les rémunérations perçues pendant la durée de la formation affectée d'un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 3.
C'est ce que l'on nomme communément le lien au service.
Les formations spécialisées sont fixées régulièrement par arrêté conjoint du ministre des armées et du ministre de l’intérieur et prévoit pour chaque forces armées les formations qui donnent lieu à un lien au service le dernier en date ayant été publié le 24 juillet 2024.
Le lien au service a des incidences réelles sur l’engagement du militaire concerné qui ne saurait être autorisé à bénéficier d’une reconversion ou d'un congé pour convenance personnelle notamment, de même qu’il devra s’abstenir de démissionner ou demander de résilier son contrat qu'en cas de circonstances exceptionnelles.
L’article L 4139-13 du code de la défense prévoit en effet que :
« La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire.
La démission ou la résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d'une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 et à l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité.
(…)
La notion de circonstance exceptionnelle n'est d'ailleurs pas définie et est par nature très restrictive.
Ainsi, les raisons invoquées par le militaire seront examinées au cas par cas par l'autorité décisionnaire qui disposera à cet égard d'un large pouvoir discrétionnaire.
En cas de non respect de l’engagement à rester en activité l’article R4139-50 du code de la défense prévoit que
« Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 4139-13, un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur fixe la liste des formations spécialisées et la durée du lien au service qui leur est attachée.
Le militaire admis à une formation spécialisée s'engage à servir en position d'activité ou en détachement d'office, pour la durée fixée par l'arrêté mentionné au premier alinéa, à compter de la date d'obtention du titre validant la formation ou, à défaut, de la date de la fin de la formation.
Le militaire dont la limite d'âge ou la limite de durée de service ne permet pas de respecter la durée de lien au service exigée à l'issue de la formation spécialisée souhaitée n'est pas autorisé à suivre ladite formation.
Le lien au service exigé à l'issue d'une formation spécialisée n'est pas modifié en cas de changement de statut »
De même, un militaire engagé qui refuserait de souscrire un renouvellement de contrat pour couvrir sa durée de lien au service devra également rembourser les sommes qu’il resterait devoir.
L’article R4139-51 du code de la défense prévoit quant à le quantum de la créance due par le militaire admis à une formation spécialisée.
Celui-ci sera tenu de rembourser le montant des rémunération perçues durant la durée de la formation spécialisée accru d’un coefficient multiplicateur pouvant aller de 1 à 3.
Ce montant décroît proportionnellement au temps de service accompli à compter de la fin de la formation spécialisée.
S’agissant du calcul du montant du remboursement, tout mois commencé est pris en compte dans son entier de sorte que même
En cas de souscription à de plusieurs formations, la durée retenue sera celle dont le terme est le plus tardif et il en sera de même du coefficient multiplicateur applicable.
Compte tenu des règles applicables, le militaire devra être d’autant plus vigilent lorsqu’il accepte de suivre une formation spécialisée dès lors que ces dispositions s’appliquent dès l’admission à la formation spécialisée.
Ainsi, et même si le militaire met un terme à sa formation avant l’obtention du diplôme ou la fin de la formation, le lien au service commence à courir est ne sera pas caduc du fait de cette interruption anticipée.
La difficulté qui peut se poser est de savoir si le militaire doit effectivement rembourser sa formation en l’absence d’engagement spécifique au titre de l’admission à une formation spécialisée.
En effet, il peut arriver que le militaire n'ait pas été informé que la formation suivie constitue une formation spécialisée ni qu’elle engendre une dette à l’égard de son employeur.
Ainsi, le militaire qui demande à résilier son contrat ou qui ne renouvelle pas son engagement pour couvrir la durée du lien au service, peut se voir opposer un refus à ses demandes ou encore recevoir une demande de remboursement après sa radiation des cadres.
MDMH Avocats a eu à défendre plusieurs militaires qui se voyaient réclamer des sommes au titre d’un lien au service supposé non honoré alors qu’aucune information ne leur avait été donnée en ce sens.
Nous soutenions ainsi l’illégalité du procédé compte tenu d’un vice du consentement flagrant et de la création d’une dette sans même que le militaire y ait consenti à aucun moment.
Le ministère des armées soutenait au contraire que l’obligation de rembourser était liée à l’admission à une formation spécialisée même en l’absence d’information préalable et qu’elle était opposable au militaire du seul fait que le code de la défense le prévoit.
Or l’arrêté fixant la liste des formation spécialisés auquel renvoi l’article R 4139-50 du code de la défense prévoit quant à lui que le militaire doit être informé au préalable de la nature de la formation, de la durée du lien au service et son montant.
Des arrêts rendus pas la cour administrative d’appel de Douai et de Marseille ont relevé que l’information du militaire quant à ses obligations liées à une formation spécialisées pour recueillir son consentement constituent bien une formalité substantielle.
C’est ainsi que par un arrêt en date du 29 août 2024, la cour administrative d’appel de Douai rejetait l’appel formé par le ministère des armées qui contestait l’annulation du titre de perception ordonnée par le tribunal administratif de Rouen en ces termes :
« Il résulte des dispositions précitées des articles R. 4139-50 et R. 4139-51 du code de la défense, précisées par l'arrêté du 8 août 2011, que la délivrance préalable, au militaire admis à une formation spécialisée, de l'information écrite relative à la durée pour laquelle il sera engagé à servir, à compter de la date d'obtention du titre validant la formation ou, à défaut, de la date de la fin de la formation, constitue une formalité substantielle de son consentement à ne pas rompre prématurément cet engagement et de l'obligation de remboursement à laquelle il est tenu en cas de rupture anticipée de celui-ci » (CAA Douai 29/08/2024)
La cour administrative de Marseille adoptait une motivation identique par un arrêt en date du 28 février 2025 ( CAA Marseille 28/02/2025)
Par cette motivation, il est bien établit que l’obligation à rester en activité et l’obligation de remboursement des rémunérations perçues durant la formation qui en constituent la sanction ne peuvent exister sans un engagement exprès du militaire concerné.
Cette solution juridique nous semble être de simple bon sens dès lors que toutes les formations ne sont pas considérées comme spécialisées et engendrent des obligations spécifiques qui ne concernent pas tous les militaires dans leur ensemble.
Aussi, si des obligations supplémentaires sont mises à la charge de ceux qui bénéficient d’une formation spécialisée sans leur consentement préalable, cela constitue clairement une rupture d’égalité injustifiée sans compter la disproportion évidente qui en découlerait du fait d’une impossible de quitter l’institution d’une part et la mise à la charge de sommes très élevées d’autre part.
Toutefois, et à la faveur de ces décisions de justice, le dernier arrêté publié en 2024 prévoit désormais que le militaire "sera informé par tout moyen", supprimant ainsi la notion d'engagement préalable ou écrit. toutefois cela nous semble être une vaine tentative de contourner les obligations incombant au ministère des armées dès lors que cette information doit pouvoir être vérifiée et à cet effet être recueillie par écrit au préalable.
L’article R 4139-52 du code de la défense prévoit 3 cas à savoir :
Ainsi, sont pris en compte les cas dans lesquels les militaires sont empêchés de poursuivre leur formation et qui n'est pas de leur fait.
Toutefois qu’en est-il du militaire qui est exclu de la formation par décision de l’autorité militaire pour insuffisance professionnelle ?
L’article R 4139-52 du code de la défense ne le prévoit pas expressément alors même que la fin de contrat pour motif disciplinaire permet quant à elle une exonération totale des montants éventuellement dus.
Un arrêt intéressant de la cour administrative de Marseille a été rendu dans le cas d’un militaire défendu par MDMH Avocats.
Ce militaire qui avait bien souscrit l’engagement à rester en activité s’était vu exclure de la formation en raison de son insuffisance professionnelle de sorte qu’il n’avait pu obtenir la validation de sa formation et qu’il il lui était imposé une réorientation dans une autre filière.
Ainsi, non seulement ce militaire était empêché de poursuivre sa formation mais encore il n’avait obtenu aucune qualification.
A cet effet, la cour administrative d’appel a pris en compte ces circonstance considérant par ailleurs que l’on pouvait assimiler l’arrêt de la formation par l’autorité militaire comme étant une inexécution du fait de l’autorité militaire.
"En second lieu toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un échec de M. B... au test AH Bis, le conseil d'instruction a proposé, dans sa séance du 30 mars 2016, la suspension de l'instruction de l'intéressé alors en formation au titre du BNP Air second degré. Le 24 mai 2016, le général de corps aérien a décidé l'arrêt de la progression de M. B... en qualité de pilote à compter du 30 mars 2016. Le conseil d'orientation, réuni le 7 juin 2016, a proposé à l'intéressé une réorientation en tant que navigateur officier système d'armes spécialité transport. Cette réorientation, acceptée et sollicitée ensuite par l'intéressé le 11 août 2016, a été agréée par décision du ministre de la défense du 18 août 2016 avec reclassement de M. B.... Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la décision contestée du 20 janvier 2022, que cette réorientation ne résultait ni d'un dilettantisme ni d'une volonté manifeste de l'intéressé mais de difficultés d'apprentissage de sa part. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, M. B... ne saurait être regardé, sa demande de réorientation ayant été proposée et agréée par l'administration à la suite de l'arrêt, par sa hiérarchie, de son instruction pour des raisons indépendantes de sa volonté, comme n'ayant pas satisfait, s'agissant de la formation BPN Air 1er et 2nd degré, à l'engagement prévu au deuxième alinéa de l'article R. 4139-50 du code de la défense (...)" (CAA Marseille 06/12/2024)
Cette jurisprudence permet d’assouplir la rigueur des textes applicables en tenant compte de circonstances qui traduisent bien une situation dans laquelle le militaire est empêché de satisfaire à son obligation.
MDMH Avocats peut vous conseiller si vous rencontrez des problématiques similaires. N’hésitez pas à nous contacter.
Pour aller plus loin :
consulter notre article sur le lien au service prévu pour les élèves officiers cliquer ici
© MDMH – Publié le 13 mars 2025