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Aptitude à servir par dérogation des militaires et gendarmes : le refus pour des motifs d'ordre général est illégal

Publié le 06/07/23

C'est l'histoire d'un gendarme blessé hors service qui a perdu ses aptitudes physiques mais autorisé à reprendre l'activité par le médecin militaire aves restriction.

Il était ainsi affecté sur un poste sédentaire au service des affaires immobilières au sein d'un peloton hors rang.

Son commandant d'escadron lui demandait de saisir le conseil régional de santé pour se prononcer sur son aptitude à servir par dérogation, lequel rendait un avis favorable.

Mais voila que la demande d'autorisation à servir présentée par ce gendarme a été refusée au motif que son unité devait pouvoir compter sur des gendarmes aptes à servir en tout temps et tout lieu soit en d'autres termes, la gendarmerie ne souhaite pas s'embarrasser de personnes "diminuées" physiquement.

Il était en outre envoyé devant la commission de réforme en vue de prononcer sa radiation des cadres pour inaptitude définitive à servir.

Après un feuilleton judiciaire mené par MDMH Avocats devant le tribunal administratif de Nancy, les décisions de refus de servir par dérogation à la norme médicale et la réforme du gendarme concerné ont été annulées et il a été enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer l'intéressé avec obligation de l'affecter sur un poste sédentaire compatible avec son état de santé.

L'aptitude à servir des militaire et les dérogations possibles

L'article L 4132-1 du code de la défense pose le principe d'une aptitude totale en lien avec les exigences liées aux fonctions exercées par un militaire.

Jusqu'au 21 avril 2022, l'arrêté du 20 décembre 2012 régissait les règles d'aptitude et le contrôle de celle ci tout au long de la carrière des militaires outre l'arrêté du 12 septembre 2016 pour les personnels de la gendarmerie.

Ces textes ont été abrogés depuis au profit de l'arrêté du 21 avril 2021 qui prévoit désormais les objectifs en matière d’aptitude lors du recrutement des militaires qui doit vérifier l’ensemble des aptitudes du militaires et déterminer si une pathologie préexistante au recrutement existe et dans quelle mesure celle-ci est compatible ou non avec le statut militaire.

L'évaluation de l'aptitude en cours de carrière

S'agissant tout particulièrement de l'évaluation des normes médicales en cours de carrière, l’article 8 de l’arrêté du 21 avril 2022 énumère la périodicité des évaluations médicales « normales ».

Ces visites ont lieu tous les 24 mois à compter de la visite médicale d’aptitude et en tout état de cause à la date fixée dans le certificat médico-administratif d’aptitude.

Les militaires qui sont affectés dans des territoires isolés peuvent voir leur visite périodique repoussée jusque 40 mois.

Les militaires détachés et hors cadres ne sont pas concernés par les visites périodiques et verront leur état de santé réévaluée en cas de réintégration.

Par ailleurs d’autres visites de contrôle  de l’aptitude médicale peuvent avoir lieu  dans les cas suivants :

« - les visites médicales spécifiques définies par arrêté ou instruction ;
- les visites médicales de reprise après interruption ou exemption de service d'une durée égale ou supérieure à trente jours, pour raison médicale ou maternité. Le militaire se présente à cette visite médicale dès la reprise de service ;
- les visites de départ et de retour de mission opérationnelle définies par le service de santé des armées ;
- l'évaluation de l'état dentaire ;
- les visites médicales de fin de service actif ou de cessation temporaire d'activité".

L’arrêté du 21 avril 2022 précise en outre que la modification de certificat d’aptitude ne peut avoir lieu que dans trois cas :

- Pour corriger une omission (que la pathologie omise soit ou non préexistante à l'engagement), d'une mésestimation lors d'une expertise médicale antérieure ou mise en adéquation du profil médical avec l'évolution des normes relatives à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale ;

- Le constat d'une nouvelle affection survenue depuis la dernière visite médicale périodique ou de l'évolution d'une affection connue ;

- Des difficultés d'adaptation à la vie en collectivité militaire entraînant un retentissement médical.

Etant ici précisé que l’évaluation du profil médical du militaire en cours de carrière est évaluée de façon plus souple qu’un candidat à l’engagement pour tenir compte de son maintien en fonction de l’évolution normale de son état général.

Ainsi, il est expressément prévu que le reclassement du militaire est possible selon son état de santé tenant compte de ses aptitudes mais aussi des spécificités de l'emploi occupé.

Le refus de suivre l'avis du conseil national de santé doit être motivé sur des faits précis, circonstanciés et vérifiables

Le militaire ou gendarme qui subit un abaissement de sa cotation pour l'un des sigles du SYGICOP peut former une demande à servir par dérogation.

l'Avis rendu par le conseil supérieur du conseil de santé des armées peut toutefois ne pas être suivi par l'autorité administrative qui reste compétente pour décider du maintien du militaire en poste.

C'est dans ce contexte que l'affaire défendue par MDMH Avocats est intervenue dès lors que l'employeur du gendarme ne souhaitait plus conserver le sous-officier concerné et ce alors même qu'il donnait entière satisfaction et que son poste était parfaitement adapté à son état de santé.

La gendarmerie insistait ainsi sur le fait que l'unité dans laquelle le gendarme était affecté aurait besoin de militaires tous aptes, capables d'intervenir à tout moment en cas de besoin selon les nécessités de service.

La gendarmerie avait par ailleurs décidé de réformer ce militaire et arguait devant le tribunal administratif que l'avis de la commission de réforme entrainait d'office la radiation des cadres rendant d'autant plus impossible l'annulation des décisions prises à l'encontre de son agent.

Le tribunal administratif de Nancy a toutefois suivi nos arguments s'agissant de l'absence de motivation circonstanciée quant à la situation du gendarme et que des considérations générales tenant à l'aptitude des militaire ne pouvait faire office de motivation.

En effet le tribunal a relevé dans son jugement rendu le 22 juin 2023 :

" Il ressort des termes de la décision que le ministre de l'intérieur a fondé sa décision du 18 juin 2021 refusant de faire droit à la demande de dérogation aux conditions médicales et physiques d'aptitude en indiquant que les restrictions qui affectent l'aptitude de M. X avaient une incidence directe sur le bon fonctionnement de l'unité et que l'octroi à un militaire d'une autorisation à servir par dérogation aux normes d'aptitude médicale n'était pas un droit, cette autorisation demeurant conditionnée à la compatibilité des restrictions d'emploi avec le statut du militaire.

Toutefois en se bornant à faire état de ces considérations d'ordre général, sans procéder à une analyse de la situation de M. X au regard d'éventuelles opportunités d'affectation sur des postes sédentaires, alors au demeurant que celui-ci avait été affecté à compter du 1er août 2019, sur un poste sédentaire au service des affaires immobilières en donnant toute satisfaction à son employeur et que le conseil régional de santé a émis un avis favorable le ministre de l'intérieur n'a pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant et à entendu rejeter par principe toute possibilité d'octroi de la dérogation prévue par les disposition précitées (...) le ministre à entaché sa décision d'une erreur de droit.

Ainsi, et par cette motivation, le tribunal rappelle expressément que si tout militaire doit être apte à occuper les emplois exigés par son poste, il a droit en revanche à ce que son aptitude soit adaptée en cas de perte d'aptitude c'est à dire qu'il a droit à un reclassement en considération de son état de santé.

Ainsi, le ministre de l'intérieur mais également le ministre des armées ne peuvent fonder leur décision de radier un militaire inapte que s'il justifie par faits vérifiables et en considération du militaire et du poste occupé l'impassibilité de le maintenir dans ses effectifs".

Après deux procédures en référé et autant sur le fond, le gendarme doit être réintégré dans ses fonctions et reprendre du service ! Ce jugement n'est cependant pas encore définitif.

Affaire à suivre ...!

Pour consulter l'arrêté du 21 avril 2022 cliquer ici 

Pour aller plus loin :

voir notre article sur les normes d'aptitudes militaires : cliquer ici

voir notre article en cas de diagnostic d'une maladie : cliquer ici 

© MDMH – Publié le 06 juillet 2023

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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