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BRÈVE JURIDIQUE : LE BÉNÉFICE DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE NE FAIT PAS OBSTACLE A L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT

Publié le 08/06/16

Par Me Hannelore MOUGIN, avocat collaborateur et Me Elodie MAUMONT, avocat associé

Alors que le régime de la protection fonctionnelle vient d’être modifié par la Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations du fonctionnaire, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer, lors d’un Arrêt en date du 20 mai 2016, sur la condamnation pour faute de l’employeur dans le cadre d’une procédure dite de protection fonctionnelle.

Pour rappel, et s’agissant du droit des militaires, l’article L4123-10 du Code de la Défense tel que modifié par la Loi du 20 avril 2016 susvisée, dispose notamment que :

« Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les menaces, violences, harcèlements moral ou sexuel, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet.

L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Il est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées aux victimes.

Il peut exercer, aux mêmes fins, une action directe, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale.

L'Etat est également tenu d'accorder sa protection au militaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Cette protection bénéficie également au militaire qui, à raison de tels faits, est entendu en qualité de témoin assisté, placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale.

Le service compétent pour accorder la protection est celui dont relève le militaire ou, pour l'ancien militaire, celui dont il relevait, à la date des faits en cause.

En cas de poursuites exercées par un tiers contre des militaires pour faute de service sans que le conflit d'attribution ait été élevé, l'Etat doit, dans la mesure où aucune faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions n'a été commise, les couvrir des condamnations civiles prononcées contre eux. (…) ».

Dans le cas d’espèce, le requérant, employé des Hôpitaux civils de COLMAR, avait été victime du vol de ses effets personnels dans l’armoire du vestiaire mis à disposition dans les locaux de l’hôpital en vue de l’exécution de son service.

Les premiers juges avaient ainsi condamné les Hôpitaux civils de COLMAR à réparer les préjudices occasionnés par ces faits délictueux.

Un pourvoi était alors formé par devant la Haute Assemblée.

C’est dans ce contexte que, suivant Décision en date du 20 mai 2016, le Conseil d’Etat a jugé que :

 « (…) les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 […] sont relatives à un droit statutaire à protection qui découle des liens particuliers qui unissent une collectivité publique à ses agents et n’ont pas pour objet d’instituer un régime de responsabilité de la collectivité publique à l’égard de ses agents ; que la circonstance qu’un agent soit susceptible de bénéficier de la protection de la collectivité qui l’emploie pour obtenir réparation d’un préjudice qu’il estime avoir subi ne fait pas obstacle à ce qu’il recherche, à raison des mêmes faits, la responsabilité pour faute de cette collectivité ».

(Conseil d’Etat, 20 mai 2016, n° 387571)

Par ailleurs, le Conseil d’État a également pris le soin de préciser aux termes de cet arrêt qu’ :

« à supposer même que Mme L. ait pu […] bénéficier de la protection prévue par l’article 11 […], le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en statuant sur ses conclusions tendant à ce que soit reconnue la responsabilité pour faute des Hôpitaux civils de Colmar ».

Le pourvoi formé par les Hôpitaux Civils de Colmar a ainsi été rejeté.

Autrement dit, le Conseil d’État a estimé que le tribunal n’avait commis ni une erreur de droit ni une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que l’employeur avait commis une faute en ne mettant pas à disposition des personnels un casier fermé dans des locaux offrant de meilleures garanties de sécurité.

A l’aune de cette décision, il apparait que le Conseil d’État a délibérément affirmé l’existence d’une dualité de procédure entre :

  • d’une part, les procédures à diligenter contre les auteurs des faits subis dans le cadre du service, laquelle est ainsi liée à la protection de l’agent stricto sensu,
  • et d’autre part, la procédure contre l’employeur lui-même du fait de sa propre responsabilité dans la commission de la faute reprochée et qui a trait à l’engagement de la responsabilité.

Ainsi, et de manière plus large, rien ne s’oppose au militaire qui s’estime victime de faits visés aux termes de l’article L4123-10 du Code de la Défense de solliciter, à la fois, la mise en œuvre de la protection fonctionnelle et la mise en œuvre de la responsabilité pour faute de son ministère à raison des même faits.

Le contentieux de la protection fonctionnelle a ainsi franchi un nouveau cap en sanctionnant l’administration au titre du manquement à son obligation de protection de ses agents.

Désormais, il y a lieu d’espérer que ces principes trouvent une application concrète à travers les contentieux soumis aux juridictions.

© MDMH – Publié le 8 juin 2016

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