
Par un arrêt rendu le 1er juillet 2025 n° 489656, Le Conseil d’État, a apporté une clarification importante pour les militaires pensionnés sollicitant la révision de leur pension militaire d’invalidité (PMI).
La Haute juridiction a précisé la manière dont doit être comprise la notion de « décision confirmative », souvent invoquée par l’administration pour écarter la recevabilité d’un recours et ne pas examiner la demande du militaire.
En jugeant que cette qualification dépend directement de l’objet de la demande présentée par le pensionné, le Conseil d’État renforce la protection du droit au recours des militaires blessés et redéfinit la frontière entre décision confirmative et décision nouvelle.
Précisions sur la portée d’une décision dite confirmative
Dans l’affaire jugée par le conseil d’Etat, il s’agissait d’un ancien militaire déjà pensionné lequel bénéficiait depuis 2013 d’une pension militaire d’invalidité fixée à 50 % pour des lésions aux deux genoux.
En 2016, il a présenté une nouvelle demande de révision tendant, d’une part, à la revalorisation de sa pension pour aggravation de ses infirmités aux genoux et d’autre part, à la reconnaissance d’une infirmité nouvelle : un état dépressif réactionnel directement lié à ses blessures.
La ministre des Armées a rejeté cette demande par une décision du 21 septembre 2017, en lui opposant une décision rendue en 2013 laquelle rejetait le syndrome dépressif réactionnel que le requérant n’avait pas contesté.
Saisi, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement donné raison au militaire, décision confirmée par la cour administrative d’appel de Toulouse, qui a reconnu l’imputabilité au service de l’état dépressif et réévalué le taux global d’invalidité.
Le ministère a alors formé appel puis a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation, estimant que la décision de 2017 devait être considérée comme confirmative d’un rejet antérieur rendu en 2013 et par conséquent, insusceptible de recours.
La question posée au Conseil d’État concernait la nature juridique de la décision de 2017 : s’agissait-il d’une nouvelle décision ouvrant un nouveau délai de recours ou d’une décision confirmative simplement répétitive signifiant l'impossibilité d'obtenir une révision de pension.
Autrement dit, la demande de 2016, introduite par le militaire, avait-elle le même objet que la précédente ?
La réponse à cette question conditionnait la recevabilité du recours devant les juridictions administratives.
Cette problématique, classique en droit administratif, est particulièrement sensible dans le contentieux des pensions militaires d’invalidité, où les intéressés formulent souvent plusieurs demandes successives au fil de l’évolution de leur état de santé.
Cadre juridique d'une demande de révision pour aggravation et/ou pour infirmité nouvelle
Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) offre deux fondements distincts pour réviser une pension :
Soit une révision en cas d’aggravation d’une infirmité déjà reconnue, soit une révision pour infirmité nouvelle imputable au service ou liée à l’infirmité déjà pensionnée.
Dans les deux cas, la demande suppose un élément nouveau, médical ou factuel, permettant de rouvrir l’instruction du dossier.
Ainsi, les militaires ayant déjà fait l’objet d'une instruction au titre d'une infirmité et se sont vu rejeter leur demande se verront systématiquement opposer un rejet d’instruction de leur demande au motif que l’administration avait déjà examiné ladite infirmité.
Or, dans le cas d’espèce, le militaire concerné contestait cette interprétation au motif que sa demande de révision de pension pour sa nouvelle infirmité avait été formée pour la première fois en 2016 et il n’en avait pas fait la demande expressément au service des pension.
En effet, c’est au décours d’une expertise médicale que l’expert avait relevé le syndrome dépressif lequel avait été ajouté par le service des pensions aux infirmités à examiner et avait décidé de la rejeter.
C’est à cette occasion que le Conseil d’État s’est penché sur les conséquences de cette notion de décision confirmative dans le cadre d’une demande de pension militaire d’invalidité.
La notion de décision confirmative en droit administratif : définition et portée
En droit administratif, la décision confirmative se distingue de la décision nouvelle par son absence d’effet juridique propre.
Elle est définie comme l’acte par lequel l’administration réitère une décision antérieure sans modifier la situation juridique de l’administré, ni se fonder sur des éléments nouveaux de droit ou de fait.
Une telle décision ne fait pas courir un nouveau délai de recours, car elle ne crée ni droit ni obligation supplémentaire.
La décision doit avoir le même objet que la précédente et il ne doit s’être produit aucune évolution des circonstances entre les deux.
Dès lors qu’une demande présente un élément distinct – qu’il s’agisse d’un nouveau motif, d’une aggravation postérieure ou d’un texte modifié – la décision qui en résulte n’est plus confirmative mais constitutive d’un acte nouveau, ouvrant un nouveau délai de recours.
Appliquée aux pensions militaires d’invalidité, cette distinction est essentielle : les militaires présentant des demandes successives de révision ne sauraient voir leurs recours paralysés au seul motif que l’administration invoque la répétition d’un rejet antérieur.
L’apport de l’arrêt du 1er juillet 2025 : l’« objet » de la demande au cœur de la qualification
Dans cette affaire, le Conseil d’État rejette l’analyse du ministère des Armées en considérant que la décision du 21 septembre 2017 n’était pas confirmative de celle du 22 avril 2013.
Il précise que l’« identité d’objet » doit s’apprécier au regard de la demande effectivement présentée à l’administration.
La demande de révision formée par le militaire pensionné en 2016 visait non seulement l’aggravation d’infirmités existantes, mais également la reconnaissance d’une infirmité nouvelle, l’état dépressif réactionnel, jamais examiné auparavant.
Il s’agissait donc d’une demande distincte par son objet, fondée sur des éléments médicaux nouveaux. De plus le conseil d'Etat relevait que le militaire pensionné n'avait pas fait de demande au titre de son état dépressif lors de sa première demande formée en 2013 de sorte que l'administration ne pouvait lui opposer sa décision propre de rejeter cette infirmité qui avait été relevée par l'expert désigné par le service des pensions en son temps.
En conséquence, la décision ministérielle du 21 septembre 2017 ne pouvait être regardée comme confirmative : elle constituait une décision nouvelle, susceptible de recours contentieux.
Le Conseil d’État confirme ainsi qu’en matière de pension militaire d’invalidité, la qualification d’une décision dépend de l’analyse matérielle de la demande et non de la simple référence à une décision antérieure.
Une décision protectrice du droit à pension et au recours des militaires pensionnés
L’arrêt du 1er juillet 2025 renforce la sécurité juridique des militaires et anciens militaires pensionnés et la garantie de leur droit à un recours effectif.
En retenant une appréciation concrète et stricte de l’identité d’objet, le Conseil d’État empêche l’administration d’écarter indûment les requêtes en les qualifiant de décisions confirmatives.
Cette approche pragmatique assure aux militaires que chaque demande fondée sur une aggravation réelle ou une infirmité nouvelle sera examinée comme telle.
Pour les avocats, cette jurisprudence fournit un outil de défense solide : en démontrant que la nouvelle demande diffère dans son objet ou repose sur des circonstances nouvelles, il devient possible de rouvrir le débat contentieux malgré des rejets antérieurs.
Pour l’administration, elle impose une rédaction rigoureuse des décisions ministérielles, qui doivent mentionner clairement l’objet et les éléments nouveaux de la demande, sous peine de fragiliser la position de l’État en contentieux.
Une clarification bienvenue du régime des décisions confirmatives
En précisant que l’« identité d’objet » s’apprécie de manière stricte et concrète, le Conseil d’État renforce le droit au recours dans le contentieux des pensions militaires d’invalidité.
L’arrêt du 1er juillet 2025, publié au Recueil Lebon, s’inscrit dans une ligne protectrice : il empêche que des décisions administratives soient abusivement qualifiées de confirmatives, privant ainsi les militaires blessés de la possibilité de contester.
Il consacre une interprétation exigeante mais équilibrée, conforme à la finalité réparatrice du régime des pensions militaires.
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Cet arrêt illustre l’importance d’une analyse juridique précise de l’objet des demandes et la nécessité, pour chaque militaire, d’être conseillé dès la phase administrative.
En consacrant une approche rigoureuse de la notion de décision confirmative, le Conseil d’État contribue à garantir l’effectivité du droit à réparation et la reconnaissance des blessures physiques ou psychiques subies en service.
Pour aller plus loin:
Lire notre article sur la prise en compte des nouvelles infirmités en cas d'infirmités multiples cliquer ici
Lire notre article sur la notion d'aggravation sans consolidation et expertise règlementaire tardive : cliquer ici
lire notre article sur la complémentarité entre de mande de PMI et Jurisprudence Brugnot : cliquer ici
© MDMH – Publié le 28 octobre 2025
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