
… malgré l’absence de sanction disciplinaire appropriée du militaire mis en cause et la solitude de la procédure
Le combat judiciaire mené par MDMH AVOCATS depuis de nombreuses années, aux côtés du Second Maitre N ……. permet aujourd’hui de rappeler la difficulté, mais aussi la nécessité, de faire entendre la voix des victimes au sein de l’institution militaire – encore marquée par l’omerta sur les violences sexuelles et sexistes.
L’affaire qui a récemment abouti à la condamnation (non définitive) du Second Maitre D …. est emblématique, tant par la complexité du parcours procédural que par l’absence de réponses institutionnelles adaptées.
Au terme d’un parcours pénal bien éprouvant pour le Second Maitre N ... sur plusieurs années :
la 10ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, chambre spécialisée en affaires pénales militaires a reconnu, suivant jugement du 16 septembre 2025, D… coupable d’agression sexuelle pour avoir à Djibouti, hors du territoire de la République, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019 (soit il y a plus de 6 ans ...) et depuis temps non couvert par la prescription, commis une atteinte sexuelle, avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne du Second Maitre N en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne agissant en état d’ivresse manifeste.
Il sera précisé que les faits, objets de la procédure, s’étaient déroulés lors d’une escale et alors que le BCR MARNE avait accosté et DJIBOUTI et que la victime et quelques personnels devaient profiter de la soirée pour fêter son anniversaire.
Au terme de l’Ordonnance de règlement du juge d’instruction, D bénéficiera d’un non-lieu du chef de tentative de viol mais sera bien renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour y être jugé conformément à la Loi dans les termes précités.
Tout au long de la procédure, le Second Maitre D indiquera n’avoir aucun souvenir de la soirée et des faits poursuivis.
Finalement D a notamment été condamné, dans les termes de la prévention, à 24 mois d’emprisonnement assortis du sursis simple, 2 ans de privation d’éligibilité, et le tribunal a constaté son inscription au FIJAES.
Le tribunal a par ailleurs reçu la constitution de partie civile du Second Maitre N, la victime, accompagnée par MDMH AVOCATS, a déclaré l’entière responsabilité du prévenu et lui a accordé 5 000 euros de dommages intérêts pour son préjudice moral, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 475-1 du CPP.
Malgré cette juste reconnaissance, il doit être rappelé que la décision est désormais frappée d’appel par le prévenu. D est à ce jour présumé innocent au regard de la Loi.
Cette affaire s’inscrit dans le courant #metoo des armées, où la parole des victimes peine encore à être entendue.
Le Second Maitre N qui servait avec assiduité dans la Marine nationale, s’est retrouvée isolée, sans accompagnement adéquat et sans prise en charge satisfaisante après la révélation des faits.
L’enquête a, par ailleurs, révélé l’absence de réaction immédiate et appropriée de la hiérarchie.
Le commandant de bord ne prévenait ni la brigade prévôtale, ni l’assistante sociale.
Le Second Maitre N n’a pas non plus fait l’objet d’une prise en charge médicale optimale et adéquate. Aucun test de viol n’a été effectué, au prétexte qu’elle ne souhaitait pas déposer plainte juste au lendemain des faits.
Le Second Maitre N a purement été débarqué puis accompagné à l’hôpital de la base de l’armée de l’air sur place et livré à elle-même par la suite pour ensuite être hospitalisé au sein de l’HIA SAINT ANNE à TOULON après avoir été rapatrié.
L’agresseur présumé, quant à lui, n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire adéquate, les mesures prises ne se limitant qu’à une sanction pour consommation excessive d’alcool et non pour les faits d’agression sexuelle eux-mêmes.
La complexité de la procédure est ici illustrée par plusieurs années d’enquête et d’instruction, des auditions, l’absence de soutien psychologique efficace, des expertises, et la nécessité pour la victime de s’accrocher à chaque étape.
À l’extrême solitude du parcours judiciaire - où même à l'audience le Second Maitre N était bien seule - sans accompagnement institutionnel présentiel -, s’ajoute la difficulté supplémentaire d’un environnement professionnel resté globalement silencieux, alors même que la notion de victimisation secondaire n’a pas encore trouvé une réponse réparatrice à ce stade.
Ainsi la Second Maitre N bien que satisfaite de la décision rendait compte de ce qu’elle ressentait :
« Je vous écris pour vous informer du résultat de l’audience, le tribunal m’a reconnue victime. Malgré cette reconnaissance judiciaire, je dois avouer que je n’éprouve pas le soulagement que j’imaginais (on m’avait prévenue !).
L’impact le plus lourd pour moi dans cette histoire, reste tout ce qui a suivi l’événement, la semaine d’hospitalisation à Djibouti puis au HIA Ste Anne, mon débarquement du bateau car c’était lui ou moi, et puis le vide, l’équipage et les collègues qui ne prennent plus de nouvelles, qui coupent le lien, un commandement qui ne s’intéressent plus après mon débarquement…
(…) Aujourd’hui, ce qui me manque le plus, c’est un geste de la Marine, une reconnaissance, une démarche, des excuses, qui signifierait que mon histoire a été reconnue aussi à l’intérieur de l’institution.
Ce n’est pas à moi de devoir rappeler ou informer systématiquement, après tant d’années, sans réel intérêt de qui que ce soit, et pourtant, j’aimerais que le commandant, le second, le médecin, l’état-major du bord au final, soit informé de cette décision. … »
Aujourd’hui, la victime s’inquiète encore des conséquences de la procédure et des dénonciations sur sa carrière.
Bien qu’elle ait saisi en son temps THEMIS et bénéficie de la protection fonctionnelle et de la prise en charge des frais d'avocats, force est de regretter qu’aujourd’hui personne ne l’a recontacté ou ne la suit ou l’accompagne réellement. Seul un personnel de la CABAM prend de ses nouvelles de temps en temps, ce qui est apprécié.
L’espoir d’un mouvement qui s’affirme
La procédure du Second Maitre N … rappelle le chemin qu’il reste à parcourir pour que le #metoo gagne aussi nos Armées. Un combat qui ne pourra aboutir que si institutions et commandements acceptent de briser la loi du silence, de soutenir les victimes, et d’appliquer les sanctions adéquates sans tarder. Le second maitre N…, dont le courage et la persévérance forcent le respect, continue quant à elle d’incarner l’espoir d’un engagement militaire respectueux des droits de chacun.
Affaire à suivre en appel …
Pour aller plus loin sur le sujet, retrouver les articles de notre blog
© MDMH – Publié le 17 octobre 2025
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