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Une nouvelle interprétation par l’administration militaire de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux indus de rémunération

Publié le 29/09/16

Par Me Aline TELLIER, avocat collaborateur et Me Aïda MOUMNI, avocat associé

Cet été, le Ministère de la Défense nous a offert un nouvel épisode dans le cadre de la saga relative au délai de prescription applicable aux créances de l’Etat en matière de rémunération.

Ainsi, un peu plus d’un an après la publication de la circulaire n° 1500467/DEF/SGA/DAF/FFC2 du 12 mars 2015 relative à la mise en œuvre de la prescription des créances au Ministère de la Défense, l’administration militaire se prête à une nouvelle lecture et interprétation de l’article  37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et ce dans le cadre de la circulaire n° 12902/DEF/SGA/DAF/FFC2 du 13 juin 2016 relative à la mise en œuvre des créances au ministère de la défense, publié au bulletin officiel des armées n° 39 du 25 août 2016, en pleine période estivale.

Cette circulaire du 13 juin 2016 abroge la précédente circulaire du 12 mars 2015.

Pour rappel, l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 prévoit un délai de prescription extinctive spécifique en matière de rémunération des agents publics, à savoir un délai de prescription biennale et ce dans les termes suivants :

« Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. ».

Il s’agit des dispositions législatives consacrant la prescription biennale en matière de trop versé sur rémunération des agents de la fonction publique.

Dans le cadre de ladite circulaire du 13 juin 2016 et à l’aune de l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 visé supra, le Ministère de la Défense considère dans un paragraphe 3 intitulé « la prescription spécifique des créances de l’Etat en matière d’indus de rémunération » que :

 « la prescription biennale s’applique aux créances des agents publics en matière de rémunération, que les paiements indus résultent d’une erreur de liquidation ou d’une décision créatrice de droit. ».

Le Ministère de la Défense, procédant ainsi à une lecture purement littérale de l’article 37-1 de ladite loi, confirme ainsi sa position et précise bien que la prescription biennale s’applique bien aux trop-perçus sur solde.

Face à tant de sagesse, nous ne pouvons que saluer cette position.

Toutefois, à la lecture du paragraphe 3.3 intitulé « le cas de la prescription des avances de rémunération », nous pouvons découvrir la position du Ministère de la Défense qui précise ainsi que :

 « la prescription applicable à une reprise d’avance est la prescription quinquennale de droit commun lorsque l’avance a été régulièrement versée au départ (somme due). La prescription biennale propre aux trop-versés de rémunération ne s’applique qu’en cas d’avance incorrectement versée du fait de l’administration (somme indue). ».

De ce fait, le Ministère de la Défense estime que le délai et le point de départ de la prescription applicables à une avance de rémunération se calculent en fonction des motifs et des conditions dans lesquelles s’effectue le versement de celle-ci et, distingue de ce fait 4 situations.

En substance, la prescription biennale s’appliquerait uniquement aux avances « non régulièrement versée[s] par l’administration (erreur de droit ou de montant) ».

Or, il est manifeste que cette circulaire est illégale.

De ce chef, il convient de rappeler qu’eu égard aux principes de séparation des pouvoirs et de hiérarchie des normes, fondements d’une démocratie, l’administration militaire n’a pas à apprécier du bien fondé et/ou de l’opportunité d’une norme et doit l’appliquer.

En effet, l’autorité administrative doit de se conformer à l'ensemble des règles en vigueur.

Les dispositions réglementaires et autres normes supérieures s'imposent à l’administration tant qu'elles sont en vigueur et alors même que cette autorité en serait elle-même l'auteur ou qu'elles émaneraient d'une autorité qui lui est subordonnée (CE, Ass., 19 mai 1983, n° 23127, 23181 et 23182).

Ainsi, une décision à caractère réglementaire ou individuel prise en méconnaissance de ces règles de forme et de procédure est en principe illégale (CE, 16 mai 2008, Département du Val-de-Marne et autres, n° 290416).

Ce faisant, dans le cadre de cette circulaire du 13 juin 2016, l’Armée - entre mauvaise foi et interprétation inutile - s’arroge purement et simplement un droit à recouvrement de prétendues créances prescrites et ce uniquement pour des raisons budgétaires, peu importe les dispositions légales visées supra.

Le Ministère de la Défense instaure ainsi artificiellement une différence entre les indus de rémunération et les avances de rémunération, qui ne sont que des éléments de la rémunération comme leur nom l’indiquent.

L’Armée crée de ce fait des conditions non prévues dans l’article 37-1 de ladite loi du 12 avril 2000 afin d’appliquer la prescription quinquennale aux avances de solde, qui sont une composante de la rémunération.

Elle joue donc sur les mots pour ne pas assumer les conséquences financières des erreurs de son logiciel LOUVOIS.

De manière surabondante, il est surprenant que le même article de loi donne lieu à une interprétation différente par le Ministère de la Défense et ce en un peu plus d’un an passant ainsi de 2 prétendues types d’avance de rémunération à 4 nouvelles situations !

Ceci est incontestablement l’illustration du fait que cette circulaire a été prise uniquement pour les besoins du Ministère de la Défense dans le cadre de sa campagne de recouvrement.

De surcroît, le Défenseur des droits dans deux décisions rendues le 26 avril 2016 et le 22 juin 2016 a de nouveau recommandé au Ministre des Finances et des Comptes publics, de prendre toutes mesures pour que les comptables publics, d’une part, cessent toute procédure d’exécution forcée à l’encontre des agents de l’État qui n’a pas débuté dans le délai de la prescription de la créance constatée et liquidée par le titre de perception exécutoire et, d’autre part, entament la procédure de recouvrement des trop-versées aux agents de l’État avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant l’émission d’un ordre de recette et ce également en matière d’avances sur rémunération.

(Cf. Décision MSP-2016-101 du 26 avril 2016 du Défenseur des droits ;

Décision MSP-2016-160 du 22 juin 2016 du Défendeur des droits)

Nous ne manquerons pas de vous informer du prochain épisode de la série que l’on peut désormais intituler « LOUVOIS AUX ABOIS » …

 

 

 

 

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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