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Gendarmerie - Harcèlement sexuel : audience du 2 février 2016 à 13 h 30 - TGI de PARIS - 10ème chambre correctionnelle - Chambre spécialisée en affaires pénales militaires (5)

Harcèlement : « Je te niquerais bien... »

Marie Barbier
Mardi, 2 Février, 2016
L'Humanité
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Et également le compte tweeter de la journaliste Madame Marie BARBIER :
L'armée compte 15 % de femmes. et lorsqu'il s'agit de harcèlement sexuel, la grande muette porte bien son nom...
Photo : Denis/Réa

Deux gendarmes comparaissent pour avoir multiplié insultes et propositions obscènes à une collègue. Un phénomène encore tabou.

Le calvaire a duré un an. Un an de propositions graveleuses, de propos salaces, de gémissements obscènes, d’insultes… dans le huis clos de la gendarmerie de Joigny (Yonne). Deux gendarmes comparaissent cet après-midi devant le tribunal correctionnel de Paris pour harcèlement sexuel, avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis par des supérieurs hiérarchiques. La jeune femme, aujourd’hui âgée de 26 ans, a perdu ses cheveux, fait de l’eczéma, avant de contacter l’association de défense des droits des militaires. L’adjudant et le maréchal des logis-chef ont été suspendus de leurs fonctions en décembre 2013 et sont parallèlement visés par une procédure disciplinaire.

Les faits remontent à octobre 2012 et se sont produits « quotidiennement », insiste l’avocate de la victime Me Élodie Maumont, jusqu’en novembre 2013. L’adjudant essaye d’embrasser la gendarme sur la bouche à plusieurs reprises, lui demande une fellation dans son bureau et un « plan à trois ». Il « gémit de manière suggestive lorsqu’il se trouve derrière la victime », écrivent les enquêteurs de l’inspection générale de la gendarmerie nationale et lui lance, à plusieurs reprises : « Les Réunionnaises sont chaudes du cul, elles sont bonnes, elles aiment le cul. »

« Les victimes deviennent des brebis galeuses »

Le maréchal des logis-chef avait, lui, un vocabulaire plus fleuri : « Quand est-ce qu’on baise ? », « Je vois bien tes dents autour de ma bite », « Je te niquerais bien, parce que vous, les Noirs, il paraît que c’est rose à l’intérieur » et autres joyeusetés. Il est aussi poursuivi pour avoir braqué son arme de service sur la victime. S’ils reconnaissent des « plaisanteries » pour l’un et des « blagues salaces » pour l’autre, les deux gradés de 36 et 37 ans contestent le caractère de « harcèlement sexuel ».

Renvoyé une première fois, ce procès met en lumière un phénomène encore tabou dans l’armée et pour lequel très peu de victimes portent plainte. Quand il s’agit de harcèlement sexuel, la Grande Muette porte bien son nom… « On pourrait faire l’analogie avec un cas d’inceste : on ne jette pas l’opprobre sur cette grande famille qu’est l’armée, analyse la journaliste Julia Pascual, auteure d’un livre sur le sujet (1). Ceux qui mettent à mal la cohésion du groupe sont stigmatisés, les victimes deviennent des brebis galeuses. » Résultat : « Les femmes qui vont au bout de leur démarche finissent par quitter l’armée. Au terme d’un long congé maladie, elles sont réformées pour inaptitude. C’est la double peine : elles sont ostracisées parce qu’elles ont osé dénoncer. »

Difficile aussi, dans une institution extrêmement hiérarchisée, de contourner les chefs. Or, ces derniers ont tendance à minimiser, quand ce ne sont pas eux-mêmes les harceleurs… Le cas de la gendarme de Joigny est, à ce titre, exemplaire. « Les auteurs ont pu nuire aussi longtemps parce qu’il y avait une certaine complaisance de la hiérarchie directe », dénonce Me Élodie Maumont. Sa plainte pour non-assistance à personne en danger contre le capitaine de la gendarmerie de Joigny a été classée sans suite. Les citations directes des militaires n’étant pas autorisées, le capitaine ne sera pas présent au procès cet après-midi. Il aurait pourtant eu des choses à dire sur la façon dont l’enquête a été menée. Le procès-verbal de synthèse note ainsi que, « malgré les recommandations faites, il semble que le capitaine et son adjoint aient informé le personnel de l’enquête judiciaire en cours. Ceci a fortement desservi la progression des investigations, les gradés concernés ayant fait peser des pressions sur au moins un personnel ».

Si les audiences de ce type se font rares, cela tient aussi au traitement judiciaire du harcèlement sexuel. « Quand les femmes portent plainte, nous constatons souvent une absence de poursuites du parquet, regrette Marilyn Baldeck, de l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). La plupart des dossiers atterrissent sur les bureaux des juges du pôle financier. Mais ces magistrats ne sont pas du tout sensibilisés aux violences faites aux femmes et considèrent que ce n’est pas leur boulot. Une audience reste donc un événement. »

Ce procès sera aussi l’occasion pour l’AVFT de vérifier la bonne utilisation de la loi de 2012 sur le harcèlement sexuel, votée en urgence après l’abrogation de la précédente par le Conseil d’État. « La nouvelle loi a une conception beaucoup plus large qui devrait favoriser les poursuites, note Marilyn Baldeck, mais trois ans après ce vote, nous constatons que la politique pénale ne suit pas, ces agissements ne sont pas sanctionnés. »

Le Sénat devrait lancer prochainement un processus d’évaluation de la nouvelle loi. Les chiffres d’avant 2012 faisaient état de 50 condamnations pour 1 000 plaintes. Quant aux violences sexuelles chez les militaires, depuis les révélations du livre de Julia Pascual et Leila Minano, une cellule de signalements a été mise en place. En 2015, elle a été saisie 75 fois. Des chiffres qui ne sont pas représentatifs, souligne Julia Pascual qui précise que cette cellule, méconnue dans l’armée, est gérée par des hauts gradés. Or, « ça paraît très compliqué pour une femme militaire d’appeler un général cinq étoiles pour lui dire qu’elle a pris une main aux fesses »…

(1) La Guerre invisible : révélations sur les violences sexuelles dans l’armée française (Éditions les Arènes et Causette, février 2014).
Maître Elodie MAUMONT
Maître Elodie MAUMONT
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