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LA PERTE DE GRADE OU LA DOUBLE PEINE

Publié le 31/01/18

Par Soufïa HENNI, Avocat collaborateur et Elodie MAUMONT, Avocat associé

 

Il est parfois des dispositions légales ou réglementaires que l’on oublie ou dont on ne connaît que peu l’usage.

L’article L. 311-7 du code de justice militaire est un de ces textes.

Pourtant, son importance est primordiale pour les militaires faisant notamment l’objet de condamnations pénales.

En effet, aux termes de ces dispositions :

« Toute condamnation à une peine d'interdiction des droits civiques ou d'interdiction d'exercer une fonction publique, prononcée par quelque juridiction que ce soit contre tout militaire, entraîne perte du grade.

Lorsque ce même militaire est commissionné, elle entraîne la révocation. »

Or, l’article L. 4139-14 2° du code de la défense dispose que la cessation de l’état militaire intervient d’office à la perte de grade.

Ainsi, tout militaire peut à l’occasion d’une condamnation à une peine d’interdiction des droits civiques ou d’exercer une fonction publique se voir infliger également une perte de grade entraînant par voie de conséquence la cessation de son état militaire et donc sa radiation.

Il convient de souligner que ces dispositions avaient été modifiées par la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011.

Or, la version antérieure à cette loi avait été considérée comme contraire à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2011-218 QPC du 3 février 2012,

En effet, ces dispositions prévoyaient avant la loi du 13 décembre 2011 :

« Toute condamnation, même si elle n'a pas entraîné la destitution prononcée par quelque juridiction que ce soit, contre un officier, un sous-officier de carrière ou un sous-officier servant sous contrat, entraîne de plein droit la perte du grade, si elle est prononcée pour crime.

Toute condamnation à une peine égale ou supérieure à trois mois d'emprisonnement, avec ou sans sursis, prononcée contre un officier, un sous-officier de carrière ou un sous-officier servant sous contrat emporte la perte du grade, si elle est prononcée pour l'un des délits suivants :

1° Délits de vol, extorsion, escroquerie, abus de confiance et recel réprimés par le livre troisième du code pénal ;

2° Délits prévus aux articles 413-3,432-11,433-1 et 433-2 du code pénal ;

3° Délits de banqueroute et délits assimilés à la banqueroute.

Il en est de même si la peine prononcée, même inférieure à trois mois d'emprisonnement, s'accompagne soit d'une interdiction de séjour, soit d'une interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille, ou si le jugement déclare que le condamné est incapable d'exercer aucune fonction publique. »

L’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité faisait alors valoir que cette rédaction méconnaissait les articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dès lors que la perte de grade résultant d’une condamnation pénale ne prenait en compte ni la personnalité du militaire, ni la gravité de son comportement.

Le Conseil constitutionnel a conclu que le principe d’individualisation de la peine n’était pas respecté en raison du caractère automatique de la perte de grade en cas de condamnation aux peines visées par les dispositions de l’article L. 311-7 du code de justice militaire.

Qu’en est-il alors des nouvelles dispositions de l’article L.311-7 lesquelles n’étaient pas visées par la question prioritaire de constitutionnalité ?

A la lecture des dispositions actuellement en vigueur, il apparaît que la perte de grade est tout aussi automatique qu’auparavant, la différence étant qu’elle s’applique en cas de condamnation à une peine complémentaire d’interdiction des droits civiques ou d’interdiction d’exercer une fonction publique.

Or, de nombreuses condamnations peuvent s’accompagner d’une telle peine.

Quelques exemples :

  • une condamnation pour atteinte à la vie privée d’autrui en raison de l’enregistrement de paroles prononcées à titre confidentiel sans le consentement d’autrui (article 226-31 du code pénal).
  • une condamnation pour soustraction frauduleuse au paiement de l’impôt peut s’accompagner d’une telle peine complémentaire (article 1741 du code général des impôts)
  • une condamnation pour discrimination (voir article 225-20 du code pénal).

La question est de savoir si les procureurs qui requièrent d’une part et les magistrats du siège qui prononcent de telles condamnations d’autre part ont connaissance de l’application automatique de la peine de perte de grade et donc de la cessation de l’état militaire aux militaires condamnés à l’interdiction des droits civiques ?

Rien n’est moins sûr...tout comme la constitutionnalité de ces dispositions.

© MDMH – Publié le 31 janvier 2018

Maître Elodie MAUMONT
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