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Refus d’agrément d’une démission ou résiliation de contrat : le juge administratif peut y faire droit en urgence

Publié le 11/10/23

La demande de démission ou de résiliation de contrat présentée par un militaire est soumise à l’agrément du ministre qui dispose alors d’un délai de deux mois pour rendre sa décision.

Le ministre des Armées ou de l’Intérieur pour les militaires de la Gendarmerie Nationale peut refuser la demande de démission ou de résiliation uniquement pour des motifs tirés des nécessités du service.

Cette nécessité de service peut se traduire par une impossibilité à remplacer le militaire à son poste dans les délais impartis, ou encore sur des considérations d’ordre opérationnelles.

Il est fréquent actuellement que le ministre justifie le refus d’agrément dans un contexte de fidélisation des personnels et de montée en puissance mais cette argumentation ne constitue pas en soi un motif légitime de refus.

Refus d’agrément d’une demande de démission ou de résiliation de contrat : la nécessité de service doit être réelle, justifiée et vérifiable

Ainsi que nous l’avons évoqué, une demande de démission ou de résiliation de contrat doit être fondée sur des motifs réels et concrets qui concernent la situation personnelle du militaire qui en a fait la demande.

Les décisions qui refusent d’agréer une demande de radiation des cadres se contentent d’indiquer :

« Considérant l’intérêt du service, la demande de M …. n’est pas agréée » sans autre précision.

En effet, le ministre des Armées et de l’Intérieur pour les gendarmes considèrent que ces décisions ne seraient pas au nombre de celles qui doivent être motivées.

Les militaires se retrouvent souvent démunis face à de telles décisions et ne trouvent pas beaucoup de réponses quant à la légitimité de ce refus.

Il convient à cet effet de préciser que le juge administratif exige toutefois que le refus soit fondé sur des motifs uniquement tirés de l’intérêt du service qui se décline soit en raison du nécessité impérieuse ou encore pour des besoins opérationnels.

Dans notre article daté du 9 novembre 2022 nous avions évoqué un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille rendu le 21 octobre 2022 qui rappelait que seul des considérations de service et opérationnelles pouvaient justifier un tel refus. (voir notre article en ce sens cliquer ici 

Il est d’ailleurs intéressant de noter à cet effet que les arguments tirés d’un déficit de personnel ne constituent pas en soi un motif de refus valable.

En effet, il convient avant tout que ce déficit concerne l’unité d’emploi du militaire mais aussi que le départ du militaire impacte réellement le bon déroulement du service sans compter que les nécessités opérationnelles doivent être établies.

Recours contre un refus d’agrément : la procédure d’urgence en référé est possible dès le stade du recours devant la commission des recours des militaires (CRM)

Lorsque le militaire se voir notifier un refus d’agrément de sa demande de démission, il peut la contester.

Dans ce cas, et conformément à l’article R4125-1 du code de la défense, le militaire doit former un recours préalable et obligatoire devant la commission des recours des militaires (CRM) avant toute saisine du juge administratif.

Le ministre des Armées ou de l’intérieur pour les gendarmes devra rendre sa décision dans un délai de quatre mois.

Toutefois, le militaire peut se trouver dans une situation urgente compte tenu de ses projets professionnels (nouvelle embauche dans le civil en CDI par exemple) et ne pas pouvoir attendre ce délai de quatre mois ni même attendre une décision juridictionnelle sur le fond.

Dans ce cas, le juge administratif peut être saisi en urgence par le biais d’une requête en référé suspension afin de contester les motifs du refus et l’atteinte grave et immédiate à ses intérêts dès l’enregistrement du recours devant la commission des recours des militaires.

L’article L 521-1 du code de justice administrative dispose ainsi que :

 « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

 Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision »

Depuis un arrêt de principe du Conseil d’Etat en 2015, le recours formé auprès de la CRM constitue bien un recours en annulation au sens des dispositions précitées et a ouvert ainsi cette voie de recours aux militaires dès le stade de la saisine de la CRM si la condition d’urgence est remplie.

MDMH Avocats a obtenu à deux reprises dans le cadre de cette procédure accélérée des ordonnances du juge des référés ordonnant la suspension de la décision de refus d’agrément dès le stade du recours auprès de la commission des recours des militaires pour des militaires qui souhaitaient quitter l’institution en vue de se reconvertir dans le civil.

Dans les deux cas, le juge des référés a retenu la notion d’urgence liée aux projets professionnels des militaires concernés et l’absence de nécessités opérationnelles justifiant de faire droit aux demandes de ces militaires.

C’est ainsi que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon avait jugé par ordonnance du 11 juillet 2023 que :

 « Le ministre des armées fait valoir l’intérêt du service compte tenu des compétences rares du requérant et du peu de spécialistes au sein du ministère mais ne produit aucune pièce en ce sens, qu’il n’est pas affecté dans un environnement défavorable et conserve sa rémunération actuelle. Il résulte de cet ensemble de circonstances et en faisant la balance de l’argumentaire des deux parties que cette situation crée pour M. X un préjudice grave et immédiat. Ainsi l’urgence est caractérisée. En ce qui concerne le doute sérieux  (…)  En l’état de l’instruction les moyens tirés de l’erreur de droit à l’aune de l’article 27 du décret n°2010-1239 ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation quant à l’intérêt du service - le ministre des armées ne produisant aucune pièce justificative à ces deux égards - sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. M. X est, par suite, fondé à demander la suspension de son exécution »

Ou encore, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a jugé par une ordonnance rendue le 27 septembre 2023 :

« La condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de
suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
Il résulte de l’instruction que l’exécution de la décision attaquée fera perdre à M. X le bénéfice de la promesse d’embauche que lui a faite la société Y, ce qui préjudicie de façon suffisamment grave et immédiate à ses intérêts quelles que soient ses raisons professionnelles et que par ailleurs la continuité du service ne justifie pas son maintien en poste. Dès lors, la condition d’urgence est remplie.
(…) En l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».

De telles décisions témoignent du fait que les juridictions administratives sont conscientes des difficultés que peuvent rencontrer les militaires et encadrent strictement le pouvoir discrétionnaire du ministre des Armées et de l’Intérieur pour les gendarmes lorsqu’il s’agit des refus d’agrément fondés sur la nécessité de service.

MDMH Avocats peut vous conseiller et/ou assister dans le cadre de vos démarches pour quitter l'armée, dans le cadre de vos démarches de reconversion et plus généralement pour vos problématiques liées à l'engagement militaire.

© MDMH – Publié le 11 octobre 2023

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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